C’est historique : la Cour de La Haye ordonne à la multinationale pétrolière Shell de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 45% d’ici 2030 par rapport à 2019 ! Ce jugement fait avancer la bataille du climat, de la protection des droits humains et montre qu’il est possible de créer une réelle responsabilité climatique des entreprises.
L’affaire avait été portée devant la justice néerlandaise par un ensemble d’ONG de défense de l’environnement et des droits humains au motif que la compagnie avait enfreint son devoir de diligence -une obligation juridique concernant la façon dont une entreprise gère les risques qu’elle génère pour les autres- et qu’elle avait violé les droits humains.
Avec cette décision, Shell, 9e entreprise la plus émettrice de CO2 au monde, est reconnue responsable des émissions de gaz à effet de serre sur l'ensemble de sa chaîne et du dérèglement climatique qui en découle. En début d’année, Shell avait pourtant défini l'une des stratégies climatiques les plus ambitieuses du secteur, se fixant pour objectif de réduire l'intensité de carbone* de ses produits de 100 % d'ici à 2050 par rapport aux niveaux de 2016. Mais le tribunal a déclaré que la politique climatique de Shell n'était « pas concrète », « pleine de conditions », que ce n'était « pas suffisant ». En d’autres termes, la justice néerlandaise recale le « greenwashing » de la compagnie.
Bien que Shell a annoncé vouloir faire appel de cette décision, ce verdict pourrait bien créer un précédent entrainant un effet domino : d’autres poursuites pourraient bien suivre à l’encontre d’autres gros pollueurs, forçant les grands groupes gaziers et pétroliers à revoir complètement leur « business model ».
Pour rappel, entre 1988 et 2015, ce sont seulement 100 entreprises qui furent responsables de 70% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde, et parmi elles, 20 entreprises exploitant des combustibles fossiles seraient responsables de près d’un tiers des émissions depuis 1965. Chevron, Exxon, BP ou encore Shell et Total, toutes ces entreprises ont une réelle obligation de préserver le climat et doivent être rendues responsables des conséquences environnementales et humaines de leurs activités.
Cette affaire n’est bien sûr pas la première. D’autres décisions de justice avaient déjà condamné les gros pollueurs. Mais celle-ci est particulière : plutôt que de contraindre une multinationale à payer pour les dommages causés par son comportement passé, elle l’oblige à revoir sa copie dans son ensemble. Face aux risque de poursuites (clairement annoncé par les ONG), ce verdict pourrait donc inciter Shell et d’autres compagnies à désinvestir dans les énergies fossiles pour investir davantage dans les énergies renouvelables. Et il met en garde les actionnaires d’ExxonMobil et Chevron qui avaient justement prévu de voter aujourd’hui leurs plans climatiques respectifs.
Affaire à suivre, donc.