Cette journée est particulière parce qu’elle porte à l’attention de toutes et tous l’urgence de répondre aux inégalités de droits vécues par les femmes … 365 jours par an. Elle rappelle aussi et surtout aux politiques qu’ils et elles doivent prendre les mesures qui s’imposent pour faire face à ces injustices. L’une de ces mesures consiste à permettre l’accès à la protection sociale sur base individuelle, et non plus en fonction de la composition du ménage car nous ne sommes pas tous égaux en termes de droits sociaux.
Un modèle social d’un autre âge
En Belgique, le système de protection sociale, dit « familialiste » (entendez : patriarcal) et hérité de l’après-guerre, est basé sur l’idée que c’est le mari qui ramène les sous à la maison pour toute la famille. Il est donc le principal bénéficiaire des droits « propres » (allocations de chômage, de maladie, de pension…), tandis que femme et enfants bénéficient de droits « dérivés ».
Il en découle aujourd’hui que l’accès aux droits et le montant des prestations sociales diffèrent notamment en fonction de la composition du ménage, selon les statuts (ou catégories d’indemnisation) qui y sont associés (chef.fe de ménage, isolé.e, cohabitant.e).
Le statut qui pose particulièrement problème est le statut cohabitant. L’Etat part en effet du principe que des personnes cohabitantes sont solidaires entre elles et bénéficient d’économie d’échelle. Du coup, lorsque le CPAS octroie un revenu d’intégration sociale (RIS), un individu isolé bénéficiera de 958 euros par mois tandis qu’une personne cohabitante touchera seulement 639 euros. Le raisonnement sera le même pour chaque droit social : pour un même salaire, une même carrière et des cotisations équivalentes, l’isolé.e bénéficiera d’une allocation de chômage ou une pension supérieure à la personne cohabitante.
Pour une protection sociale qui émancipe
Les femmes sont particulièrement défavorisées par cette catégorisation : on compte 32 femmes au foyer pour 1 homme au foyer, plus de la moitié des femmes au chômage sont en cohabitation (contre 40% chez les hommes), près de 60% des bénéficiaires du RIS sont des femmes et 4 femmes sur 10 ont une famille à charge (contre 1/10 chez les hommes) [1].
Le système de protection sociale maintient donc les femmes dans une certaine dépendance financière à l’égard de leur conjoint, n’est pas neutre quant aux choix individuels de vie et ne permet pas de lutter efficacement contre la pauvreté vu le faible montant des prestations sociales pour les personnes cohabitant.e.s, et les autres (pauvres) droits qui en découle. Sans compter que le taux cohabitant contribue à l’éclatement des solidarité familiales et à l’isolement des individus puisqu’il incite à vivre seul pour recevoir plus. Le contrôle du statut de cohabitant donne d’ailleurs lieu à des pratiques très intrusives de contrôle de la vie privée par l’Onem ou les CPAS (combien de brosse à dents ?) et a d’ailleurs été dénoncé pour son caractère sexuellement discriminant.
En supprimant le taux cohabitant, l’individualisation des droits sociaux est donc une revendication féministe pour plus de justice sociale et plus d’autonomie individuelle, particulièrement favorable aux femmes en situation de précarité.
Sur ce sujet, je vous invite voir les travaux et campagnes de Vie Féminine, FPS - Femmes Prévoyantes Socialistes, Le Monde selon les femmes asbl, Le Ligueur des parents - Ligue des familles, CSC, Solidaris, FGTB
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Philippe
[1] https://www.cffb.be/commission-jeunes-lindividualisation.../