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Etat d'urgence climatique: passons des paroles aux actes

28/11/2019
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Feux de forêts en Californie, en Australie, au Brésil et dans le bassin du Congo, annonce d’une extinction massive de la biodiversité, crue à Venise et intempéries dans le Var. Le réchauffement est aujourd’hui devenu aussi tangible qu’incontestable, et la perspective de l’inaction devenue intenable. En déclarant aujourd’hui l’état d’urgence climatique et environnementale, le Parlement européen tire la sonnette d’alarme en direction de la Commission et des États Membres.

Cette mesure fait suite aux nombreuses déclarations d’urgence d’États et de municipalités dans le monde et en Europe, qui s’engagent à mettre leurs politiques au service de l’environnement. En l’absence de mesures concrètes au niveau national, au moins six communes bruxelloises ont ainsi tiré la sonnette d’alarme climatique. Cependant, ces déclarations, à ce jour principalement d’ordre symbolique, n’auront d’intérêt que si elles sont traduites en actes concrets.

Le moment n’est pas choisi au hasard, car à quelques jours de la COP25 à Madrid, cette semaine marque également l’installation d’une nouvelle Commission sous l’égide d’Ursula von der Leyen. Cette dernière a d’ailleurs annoncé, non sans trompettes et tambours, un Green New Deal (GND) européen, vendu comme un pacte-clé vers un continent décarboné. La présidente s’est engagée à le présenter endéans les cent premiers jours de son mandat, une promesse dédoublée avec l’annonce d’une Loi Climat censée engager l’UE à la neutralité carbone d’ici 2050.

Un vent favorable semble ainsi s’être levé dans les cercles européens. Il y a peu, la Banque Européenne d’Investissement a décidé de ne plus investir dans les énergies fossiles, et ce à partir de 2021. Christine Lagarde, nouvelle présidente de la Banque Centrale Européenne, a également exprimé la volonté de « verdir » ses portefeuilles d’actifs financiers.

Mais, prudence, ne vendons pas la peau de l’ours blanc avant de l’avoir noyé... Malgré les annonces positives récentes, il n’y a à ce stade que très peu de mesures concrètes sur la table. Sans information sur l’étendue des domaines qui seront réformés, le « Green New Deal » risque ainsi de se cantonner à une déclaration d’intention, telle une coquille vide. Il est évident que nous, écologistes européens, sommes absolument partisans d’un GND entendu comme un véritable changement de bord, une réforme structurelle et systémique vers une politique au service de la planète, de sa biodiversité et de ses citoyen.ne.s. Il ne suffit plus d’introduire des objectifs isolés à long terme, mais il faut agir transversalement et dans tous les domaines ; que ce soit en matière de commerce, d’agriculture, de fiscalité ou encore en matière d’investissement. Cependant, le risque est grand de voir l’ambition écologique de la Commission cantonné à un simple « Green-washing » de quelques politiques macro-économiques ou énergétiques.

À cet égard, l’empressement des libéraux (de Renew Europe) et des socialistes à apparaître comme les initiateurs de la résolution d’aujourd’hui est d’ailleurs pathétique. Cela fait des décennies que ces forces politiques joignent leurs voix à celles des conservateurs du PPE pour contrecarrer toute action sérieuse qui vise à faire rentrer nos sociétés dans le cadre biophysique que leur impose la nature. Et voici que, sous la pression citoyenne, elles tentent aujourd’hui d’apparaître plus vertes que les Verts. Il est sidérant que les uns comme les autres se sont employés ces jours derniers à refuser tout amendement qui concrétise les conséquences que la déclaration d’urgence climatique devrait avoir dans les politiques de l’Union ou, plus directement encore, dans le fonctionnement même du Parlement Européen.

Ceci dit, que ce soit par opportunisme ou par conviction, il est bon que les rapports de force évoluent. En 1972, le Club de Rome nous alertait déjà sur les conséquences planétaires de notre modèle de développement ; vingt ans plus tard, le sommet de Rio, convoqué à ce sujet par les Nations Unies, permettait au président Français Jacques Chirac de prononcer gravement que « notre maison brûle et nous regardons ailleurs ». Près de trente ans se sont encore écoulés, et les émissions de gaz à effet de serre et toutes les formes de pollution continuent de croître inexorablement. Si nous nous réjouissons que la conscience de l’urgence progresse dans le monde politique, la priorité ne doit pas être à déclarer une fois encore l’urgence mais bien à agir en conséquence. C’est ce que nous nous employons en ce moment à faire partout où nous sommes présent.e.s dans les institutions politiques, en particulier en Belgique, où nous nous apprêtons à négocier un éventuel accord de gouvernement fédéral.

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