Ce jeudi, le Parlement Européen a appelé la Commission à retirer cinq autorisations de mise sur le marché d’OGM.
Un signal fort, me direz-vous ! Sauf qu’il s’agit aujourd’hui de la quarantième, quarante-et-une, quarante-deux, quarante-trois et quarante-quatrième fois que le Parlement s’oppose à des autorisations de produits génétiquement modifiés depuis le début de la Commission Juncker fin 2014.
Les eurodéputés crieraient-ils dans l’oreille d’un sourd ?
Disons que la surdité de la Commission européenne est à géométrie variable dans ce domaine...
Cette dernière est en effet fort à l’écoute d’un autre protagoniste dans sa prise de décision concernant les OGM, à savoir : l’Autorité Européenne de Sécurité Alimentaire (AESA). Censée être impartiale dans son évaluation des risques que présentent les OGM, cette agence scientifique de l’UE se retrouve pourtant régulièrement au centre de scandales de conflits d’intérêt.
On se souviendra qu’en 2015, l’AESA avait tout simplement copié-collé des centaines de pages d’études fournies par Monsanto, dans le cadre d’une évaluation portant sur le glyphosate. Suite à une vaste mobilisation citoyenne et un travail politique considérable du Groupe des Verts/ALE, une réforme imposera dès 2020 à l’AESA de publier dans un registre public les études utilisées pour ses évaluations.
Il reste néanmoins à voir comment cette transparence accrue impactera les décisions prises par la Commission. D’autant que les multinationales de l'agrochimie peuvent désormais s’appuyer sur un régime renforcé en matière de confidentialité des données fournies au nom de la « protection de leurs intérêts commerciaux ». Mais, si aujourd’hui la Commission est seule à décider sur les OGM, c’est aussi parce que nos gouvernements le veulent bien.
Depuis de nombreuses années, ces derniers se refusent à adopter une position commune sur le sujet, renvoyant la patate chaude à la Commission, alors chargée de prendre la décision finale. Coincée entre les demandes des citoyens (très majoritairement opposés aux OGM), le manque de responsabilité des États et la menace de procès brandie par les géants de l’agrochimie, cette dernière prend souvent la décision d’autoriser, en suivant l’avis scientifique (mais hautement contestable) de l’AESA.
Quel rôle peut jouer le Parlement européen dans cette affaire ? Dans ces dossiers dits de ‘législation secondaire’, le Parlement n’a qu’un rôle symbolique, celui de de s’assurer que la Commission n’excède sa compétence, et de vérifier le caractère démocratique des décisions prises. Or, cela fait plus de quarante fois que les eurodéputés dénoncent le caractère antidémocratique de ces autorisations. Du côté des Verts, nous continuons à mettre la pression sur la Commission pour qu’elle révise et démocratise la prise de décisions en matière d’OGM.
Vu le dialogue de sourd actuel à l’échelon européen, c’est surtout au niveau national que des victoires peuvent être remportées : grâce à la pression citoyenne, 19 États-Membres sur 28 - en ce incluant la France, l’Allemagne, la Wallonie en Belgique ou encore la Pologne - ont ainsi introduit des restrictions sur les OGM.
Reste à voir désormais si Madame von der Leyen, prochaine présidente de la Commission européenne, aura une oreille plus attentive aux revendications portées par l’écrasante majorité des citoyens européens.