Boris Johnson a gagné son pari : il remporte une majorité solide à la Chambre des Communes (chambre basse du Parlement Britannique), qui lui assure la ratification du traité de séparation du Royaume-Uni de l'Union Européenne.
Je ne suis pas heureux de ce résultat : les écologistes, au Royaume-Uni comme dans le reste de l'Europe ainsi que nos alliés nationalistes Écossais et Gallois avons toujours estimé que cette rupture est dommageable pour nos concitoyen.ne.s, d'un côté comme de l'autre de la Manche. Le Brexit est un jeu à somme négative; l'UE en ressort affaiblie. Mais, avec le référendum de 2016 et les élections législatives d'hier, la sanction démocratique est claire et tout démocrate doit s'y plier.
Le scrutin m'inspire les réflexions suivantes.
1. Les conservateurs doivent leur victoire autant à eux-mêmes (et à un mode de scrutin polarisant par nature) qu'à l’incompétence du leader de l'opposition Jeremy Corbyn. A la différence de Boris Johnson, qui a su unir son parti sur une ligne claire sur le Brexit (tout au moins dans son principe), le leader travailliste est depuis 2016 resté sur une position totalement floue. En réalité, Corbyn est un brexiter mais il dirige un parti dont l'essentiel des cadres et une partie substantielle de l'électorat voulait le maintien du pays dans l'UE. S'il voulait se donner une chance de gagner, il lui fallait à la fois assumer un choix clair sur le Brexit et, si ce choix était de maintenir le RU dans l'UE, une ligne politique générale susceptible de rallier non seulement les laissés-pour-compte (qu'il semble avoir perdus au profit des Tories) et le gros de la classe moyenne. La combinaison d'une ambiguïté permanente sur le Brexit et d'un programme ultra-socialiste était probablement inapte à assurer la victoire.
2. La ratification désormais assurée du traité de séparation assurera bien la sortie du Royaume-Uni mais ne règle en rien la question des relations futures entre le pays et l'UE. D'ici fin 2020, les choses resteront en l'état : il s'agit d'une période transitoire qui maintient essentiellement le RU dans l'UE mais sans y avoir le moindre pouvoir décisionnel. La nature des relations économiques, sécuritaires, académiques, scientifiques... entre le pays et l'UE sera déterminée par une négociation qui mettra à nouveau à jour les contradictions du parti de Boris Johnson : en particulier, l'accès du Royaume-Uni au marché unique européen sera conditionné par son adhésion continue aux règles européennes. Si, comme il l'a affirmé à plusieurs reprises, Boris Johnson veut dévier significativement des standards sociaux, environnementaux, fiscaux... de l'UE, son pays perdra l'accès au marché. Par ailleurs, son néo-thatchérisme ne peut que lui aliéner ses nouveaux électeurs ex-travaillistes, qui veulent plutôt plus que moins d'Etat. Faut-il en déduire que Boris Johnson nous servira encore un de ces virages à 180° dont il est coutumier, l'avenir nous le dira.
3. La divergence politique est de plus en plus manifeste entre l'Angleterre et le Pays de Galles d'une part, pro-Brexit et de plus en plus à droite, et l'Ecosse, de plus en plus acquise au SNP, pro-UE et plutôt au centre-gauche sur le plan socio-économique. On peut donc s'attendre à la relance d'un processus référendaire sur une éventuelle indépendance de l'Ecosse, laquelle ferait dans la foulée acte de candidature à l'UE. Boris Johnson a promis de s'opposer à un nouveau référendum, mais une fois de plus, compte tenu de ses performances passées, sa parole ne vaut pas tripette.
Un dernier mot sur les Verts britanniques : Caroline Lucas a conservé son siège de députée, l'unique que nos amis détiennent à la Chambre des Communes. Un système électoral qui assure la victoire au candidat arrivé en tête, quel que soit son score (souvent bien en deçà de 50%) ne peut être qualifié de démocratique. Les élections européennes ont démontré que l'étiage des écologistes au Royaume Uni est de l'ordre de 10%; notre représentation au Parlement britannique est loin, très loin de refléter cela.
Philippe