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Commission européenne : sans toit ni loi

16/01/2020
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Et si on inversait la logique dans la lutte contre le sans-abrisme ? Plutôt que d’obliger les personnes sans abri à remplir toute une série de conditions, parfois fort paternalistes, avant de pouvoir être considérées comme « prêtes à occuper un logement », on leur permet l’accès rapide à un logement permanent et sécurisé. Plutôt que d’avoir à le « gagner » en passant par un parcours du combattant, on assure d’abord le droit fondamental au logement comme prérequis à la résolution d’autres problèmes.

Tel est le principe de base de l’approche « Housing First » (le logement d’abord), qui a déjà fait ses preuves à l’échelle locale dans de nombreux pays européens dont la Belgique, et qui se concentre principalement sur les personnes les plus éloignées du logement : sans-abris de longue durée, présentant des problèmes de santé physique et/ou mentale et/ou de toxicomanie, et nécessitant un accompagnement intensif. Le nouveau locataire, qui bénéficie d’un revenu de remplacement, paie simplement son loyer comme tout locataire, et est suivi par une équipe lui offrant une assistance personnalisée.

C’est aussi sur ce sujet que les écologistes ont interrogé lundi soir la Commission européenne, indiquant leur ferme volonté de faire de l’accès au logement et de la lutte contre le sans-abrisme une priorité pour l’Europe.

Il faut mesurer l’étendue et l’urgence du problème : on estime que le nombre de personnes sans abri dans l’Union européenne est passé de 400 000 à 700 000 en dix ans, soit une augmentation de 75% ! La situation s’aggrave dans tous les États membres sauf en Finlande où l’application du modèle Housing First a permis de réduire sa population sans abri de moitié. En Belgique, c’est la situation inverse. À Bruxelles, par exemple, le nombre de personnes sans abri ou mal logées a tout simplement doublé en dix ans. On en dénombre plus de 4 000 aujourd’hui.

Alors que peut faire l’Europe ?

Certes, la politique sociale est une compétence nationale (ou régionale) - les annonces des gouvernements wallon et bruxellois vont d’ailleurs dans la bonne direction - mais l’Europe peut jouer un rôle de soutien considérable.

Les Verts européens demandent donc que la Commission européenne adopte un plan d’action ambitieux visant à éradiquer le sans-abrisme à l’horizon 2030. Il est également urgent de changer les règles concernant les aides d’État en matière de « services d’intérêt général » dédiées au logement ou encore de diriger les fonds européens vers l’investissement dans le logement social et la lutte contre le sans-abrisme. C’est en proposant de telles mesures que la Commission sera capable de rendre le socle européen de droits sociaux réellement effectif.

La Commission doit faire beaucoup plus pour encadrer l’action des autorités publiques dans ce domaine, mais aussi pour soutenir le travail formidable de terrain du monde associatif. Je pense notamment à L'Ilot - Sortir du sans-abrisme, Infirmiers de rue, Smes, LE FORUM - Bruxelles contre les inégalités, Réseau Wallon de Lutte contre la Pauvreté, Droit à un toit ou dans le mur ? Recht op een dak of het dak op kunnen ?, Housing First Namur, et à bien d'autres encore.

Le problème de l’accès au logement demande plus largement de réduire les inégalités sociales et d’assurer l’effectivité des droits sociaux afin de lutter contre les situations dites de "sous-protection sociale". Le sans-abrisme et le mal-logement ne sont pas des phénomènes isolés. Ils sont intrinsèquement liés aux choix politiques. Or, les droits humains et la dignité sont des valeurs fondamentales de l’Union européenne. Il est plus que temps, là aussi, que l’Europe prenne ses responsabilités.

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