L'accord commercial conclu le 24 décembre dernier entre le l'Union européenne et le Royaume-Uni est un soulagement, car il ouvre la voie à une sortie ordonnée des Britanniques de l’Union. Mais, la faiblesse des dispositions relatives à la lutte contre l'évasion fiscale et le blanchiment d'argent suscite déjà de grosses inquiétudes.
C'est pour cette raison que j'ai pris l'initiative, avec mon collègue écologiste Sven Giegold, d'adresser une lettre à la Présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, afin de remédier au plus vite à ce problème.
Trois aspects sont particulièrement préoccupants.
Tout d'abord, la taxation n'est pas couverte par la clause dite de "rééquilibrage", qui donne à l'UE et au Royaume-Uni le droit de prendre des mesures de rétorsion (notamment via des droits de douane ou des quotas) en cas de divergences importantes. Cela signifie que si, à l'avenir, l'UE devait approfondir ses règles en matière de coopération fiscale (via, par exemple, la mise en œuvre d'un taux d'imposition minimal pour le sociétés), elle n'aurait pas les moyens de contraindre le Royaume-Uni de s'aligner sur celles-ci.
Deuxièmement, en matière de lutte contre l'évasion fiscale, l'accord se limite aux règles fixées par l'OCDE. Cela implique que les règles de l'UE qui sont plus strictes dans ce domaine ne sont pas couvertes par l'accord. C'est le cas, par exemple, de la liste de l'UE des paradis fiscaux ou du Code de Conduite sur la taxation des entreprises.
Enfin, l'accord ne prévoit aucune mesure à l'encontre du réseau de zones offshore dans les territoires d'outre-mer britanniques et les anciennes colonies de la Couronne (comme les Iles anglo-normandes, l’Ile de Man, les Bermudes, les Iles Vierge ou les Caïmans). Or, ceux-ci sont responsables de plus du tiers des dommages fiscaux causés par les paradis fiscaux au niveau mondial.
Pour éviter à tout prix un éventuel dumping fiscal du Royaume-Uni, l'UE doit donc corriger le tir au plus vite. Comme nous l'exposons dans notre lettre à Ursula von der Leyen, le meilleur moyen d'y parvenir est de poser une condition claire : les services financiers britanniques ne pourront accéder au marché unique qu'en échange d'un engagement ferme de la part de Londres en faveur de la transparence financière et de la lutte contre l'évasion fiscale*.
Alors que la pandémie de Covid-19 ne cesse de creuser les déficits publics en Europe, il serait en effet suicidaire d'autoriser la création d'un « Singapour-sur-Tamise » de l’autre côté de la Manche.
*Les services financiers ne sont pas couverts par l’accord conclu fin décembre. La question de leur accès au marché unique sera en effet réglée dans les prochains mois via des "décisions d'équivalence" (c'est-à-dire des mesures unilatérales par lesquelles la Commission juge que la législation en vigueur dans un pays tiers peut être considérée comme équivalente à la législation de l’UE).
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