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PAC de la honte : la Commission doit retirer sa proposition !

28/10/2020
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Ce matin, j’ai pris l’initiative, avec mes collègues Ska Keller et Bas Eickout d’envoyer une lettre (voir ci-dessous) à Ursula von der Leyen - Présidente de la Commission européenne - pour lui demander de retirer sa proposition de réforme de la Politique Agricole Commune (PAC). Il en va en effet de la survie de son Green Deal.

Certes, la majorité des eurodéputé.es des groupes sociaux-démocrates, libéraux et chrétiens-conservateurs qui ont voté vendredi dernier en faveur de la réforme de la PAC vous diront tout le contraire : que cette PAC est une avancée majeure ! Moderne et flexible ! Verte surtout !

Alors ensemble, déconstruisons quelques-unes des fausses avancées prônées par la majorité.

Ainsi, les défenseurs de la réforme de la PAC vous diront que :

1. …Cette PAC intègre les objectifs des Accords de Paris sur le climat !

Non seulement les Accords de Paris ne contiennent quasi rien sur l’agriculture, mais l’amendement concernant l’alignement de la PAC aux Accords a été totalement vidé de son sens lors du vote. L’amendement le concernant était ainsi divisé en deux parties : la partie mentionnant l’Accord de Paris a bien été adopté, mais la partie pertinente qui inscrivait l’objectif de réduction de 30% de GES a été rejeté. De surcroît, tous nos amendements liant la PAC aux objectifs du Green Deal (notamment la stratégie « de la ferme à la table et pour la biodiversité) ont été rejetés. Dans les faits – et non dans les mots – cette PAC n’est donc en rien alignée ni avec le Green Deal, ni avec les Accords de Paris.

2. … Cette PAC met en place des éco-régimes* pour encourager les pratiques respectueuses de l’environnement !

Bonne idée, mais non seulement ces primes pour soutenir les pratiques respectueuses de l'environnement ne concernent qu’une petite partie des aides octroyées aux entreprises agricoles (la plus grande partie étant distribuée sur base de la surface de production agricole). Le texte introduit également un objectif de compétitivité qui affaiblit très fortement le dispositif. Par ailleurs, ce sont les États Membres qui sont chargés de définir les éco-régimes, et comprenez bien que les critères ne seront probablement pas très contraignants pour certains… Sans conditionnalité stricte, il est impossible de s’assurer de la bonne allocation des aides ‘vertes’. En conséquence, ce sont les installations agro-industrielles polluantes qui récolteront l’argent des éco-régimes là où les critères seront les plus faibles.

3. … Les éco-régimes constituent désormais 30% du budget des aides octroyées !

Tout comme ça l’était dans la PAC précédente, ce n’est donc en aucun cas une avancée. Dans une analyse récente, la Cour des comptes européenne est d’ailleurs sans appel : sous la PAC précédente, ce ‘verdissement’ cosmétique n’a eu quasi aucun effet positif sur l’environnement.
De plus, les trois groupes ont de fait plafonnés le budget de ces éco-régimes, ce qui rend impossible pour les États-Membres de se montrer plus ambitieux et d’encourager la transition vers l’agroécologie en réservant une part plus importante aux éco-régimes !

4. … Les conditions pour obtenir les aides liées aux éco-régimes permettent d’identifier les pratiques écoresponsables !

L’ambition est très variable, permettant notamment à la pratique controversée de « l’agriculture de précision » d’obtenir des aides liées aux éco-régimes. Cette pratique prône la robotisation de l’épandage et la surveillance par drones, défendus comme favorable au climat et l’environnement car réduisant les quantités de pesticides et engrais. En réalité – et contrairement aux méthodes agro-écologiques – ces méthodes n’ont rien prouvé, augmentent les besoins matériels et énergétiques des paysans et ne servent au final qu’à perpétuer l’utilisation de ces produits de synthèse nocifs.

5. … Cette nouvelle PAC est plus équitable, car elle permet une meilleure redistribution des aides !

C’est carrément faux. En effet, un plafond (très élevé) aux aides est introduit à 100.000 € pour éviter que les multinationales et oligarques récoltent le pactole, pas mal me direz-vous. Néanmoins, le texte prévoit également une dérogation qui autorise certains États membres à ne pas appliquer ce plafond ! D’ailleurs, le principe très problématique de l’allocation des aides sur base de la surface agricole est maintenu, malgré qu’il soit à l’origine de scandales d’accaparement de terres par de notoires oligarques tels qu’Andrej Babiš en République Tchèque. En outre, le texte de réforme de la PAC exige des États membres qu’ils établissent une surface de production minimale pour l’octroi des aides aux agriculteurs. Ceci est problématique pour les petites entreprises, notamment les apiculteurs, qui ne nécessitent que très peu de surface pour leur fonctionnement. Ainsi, le texte voté vendredi passé ne s’attaque en aucun cas à la redistribution extrêmement inégale des aides de la PAC aux agriculteurs. Rappelons qu’aujourd’hui, 20% des plus grands propriétaires terriens captent 80% des aides, une situation qui ne s’améliorera certainement pas avec cette réforme.

En résumé, cette réforme de la PAC ne s’attaque ni aux problèmes d’inégalités de distribution des aides, ni à la nécessité d’engager résolument l’agriculture européenne dans la transition écologique et solidaire. Derrière de nombreux mots clés impressionnants tels que ‘éco-régimes’, ‘agriculture de précision’ ou encore ‘Accords de Paris’ se cache une seule réalité, celle du statu quo.

Alors, comment empêcher cette réforme ? Maintenant que la position du Parlement européen a été adoptée, le dossier entre en ‘trilogue’, c’est à dire la phase de négociations entre le Parlement, la Commission et les Etats membres (le Conseil).

Avant qu’il ne soit trop tard, j’ai pris donc l’initiative, avec mes collègues Ska Keller et Bas Eickhout de demander à Ursula von der Leyen de retirer sa proposition de réforme de la PAC.

Celle-ci n’intègre en effet aucunement les objectifs des stratégies pour la biodiversité et « de la ferme à la table » défendues... par cette même Commission. C’est tout le Green Deal – véritable masterplan de l’actuelle Commission d’Ursula von der Leyen – qui est ainsi remis en question.

Pour éviter cet intenable ‘grand écart’, la Commission doit faire preuve de courage : elle doit proposer une nouvelle réforme de la PAC, cette fois en cohérence avec ses objectifs et alignée au Green Deal. Accepter la réforme actuellement mise sur la table serait au contraire un aveu d’échec en ce début de législature. L’urgence climatique nous interdit d’attendre jusque 2027 pour engager enfin notre agriculture dans la transition écologique.

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Philippe

  • Les d'éco-régimes sont un système de primes versées aux agriculteurs pour soutenir les pratiques respectueuses de l'environnement.

 

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