Ce vendredi, les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE se sont accordés sur une réduction nette de 55% des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport au niveau de 1990. Il s’agit indéniablement d’une avancée par rapport à l’objectif actuel de -40%. Ce qui a d’ailleurs amené le Président du Conseil, Charles Michel, à déclarer que l’Europe est désormais leader du combat pour le climat.
Mais, deux nuances doivent néanmoins être apportées au triomphalisme ambiant.
Tout d’abord, le nouvel objectif fixé par les Vingt-Sept demeure insuffisant. Les éléments scientifiques en notre possession indiquent en effet que, pour contenir le réchauffement à moins de 2°C et le plus proche possible de 1.5°C, l’UE doit réduire ses émissions de 65% à l’horizon 2030. L’objectif fixé par les Chefs d’Etat et de Gouvernement est donc encore bien en deçà du niveau d'ambition requis par les constats scientifiques.
Deuxièmement, l’objectif de -55% cache un artifice comptable. En le mâtinant de l’adjectif « net », les Vingt-Sept floutent la distinction entre les émissions réellement baissées à la source (via, par exemple, la rénovation des logements et la limitation de la place de la voiture) et les émissions « absorbées » par des puits de carbone (via, par exemple, la plantation d’arbres ou l’extension des espaces de prairies naturelles). En soi, cela signifie qu'on aura une réduction "réelle" d'émissions autour de 52.8% au lieu de 55%.
Bien sûr, il est essentiel de maintenir et de restaurer nos espaces verts et nos forêts. Mais la réduction des émissions à la source et l’absorption d’émissions constituent deux objectifs distincts : les puits de carbone sont en effet souvent temporaires et incertains.
Le risque, sinon, est que la mention du « net » n’incite pas les Etats membres à réduire fortement les émissions à la source - alors qu’il s’agit d’une nécessité vitale et la seule mesure réellement vérifiable! Il sera en effet toujours plus simple de planter des arbres que de contraindre les industries lourdes à réduire leur empreinte carbone.
Par conséquent, si l’accord conclu ce vendredi constitue un progrès par rapport aux textes actuels, il n’en demeure pas moins insuffisant. En outre, cet accord n’a pas force de loi. Les ministres concernés des 27 Etats membres devront encore négocier avec le Parlement, dont la position est nettement plus ambitieuse : -60% et sans la prise en compte des puits de carbone. La négociation s’annonce donc âpre et nous comptons bien renforcer encore l’ambition européenne.
Nous ne pouvons en effet pas nous permettre de tricher avec le climat : notre planète mérite un objectif « absolu » de réduction d’émissions de gaz à effet de serre !
Likez, partagez, débattons
Philippe