Énorme victoire dans la saga glyphosate : les citoyens, la transparence et la science reprennent leurs droits
C'est ce qu'on peut appeler une victoire historique ! La décision est tombée ce matin : 4 eurodéputés écologistes ont obtenu devant la Cour de justice de l'Union européenne l'annulation des décisions de l'EFSA refusant l'accès aux études de toxicité et de cancérogénicité du glyphosate. Revenons en arrière. En 2017, l'EFSA, l'agence européenne de sécurité alimentaire qui est notamment chargée de l'examen des demandes de renouvellement d'autorisation des substances actives – le glyphosate en l'occurrence – refuse de donner accès à certaines études dans le cadre de la procédure de renouvellement de l'autorisation du glyphosate. Les motifs invoqués par l’EFSA étaient notamment la protection des intérêts commerciaux et financiers des entreprises concernées, l’absence d’intérêt public supérieur, l’absence de lien entre les informations demandées et « les émissions dans l’environnement » telles que définies par la Convention d’Aarhus. Qu'à cela ne tienne : en mai 2017, 4 députés Verts/ALE, Michèle Rivasi, Bart Staes, Heidi Hautala et Benedek Javór, déposent plainte contre l'EFSA devant la Cour de Justice de l'UE pour entrave à l'accès aux documents. Au cours du procès, l'EFSA a pu compter sur des alliées de choix : rien moins que Monsanto et Cheminova elles-mêmes ! Les études sur lesquelles portait le litige sont 12 études de laboratoire sur des rats et des souris visant à déterminer si le glyphosate pouvait ou pas causer des cancers. C'est sur ces études que l'EFSA s'est basée pour déterminer que le glyphosate n'était pas cancérogène, contrairement aux conclusions auxquelles était arrivée l'IARC, l'agence "cancer" de l'Organisation mondiale de la santé – qui n'avait bien sûr pas utilisé ces études puisqu'elles n'avaient jamais été publiées. L'EFSA refusait de les rendre publiques sous prétexte de protéger les intérêts commerciaux des entreprises propriétaires de ces études, à savoir Monsanto, Syngenta et Cheminova notamment. Un autre argument sur lequel s'appuyait l'EFSA pour nous refuser l'accès à ces études est que, selon l'agence, elles ne portaient pas sur des émissions environnementales réelles ou prédictibles. La Cour a rejeté cet argument, en soulignant que les émissions de glyphosate dans l'environnement sont déjà une réalité – elle a en outre rappelé que c'était la fonction même du glyphosate d'être émis dans l'environnement ! Quelles sont les conséquences de ce jugement ? En premier lieu, la Cour refuse donc catégoriquement de faire primer dans cette affaire les intérêts commerciaux des entreprises sur l'intérêt général et la tranparence. Dans le futur, toutes les études visant à évaluer les effets d'un produit prévu pour être émis dans l'environnement devront être rendues publiques, peu importe où et comment ces études ou ces tests ont été menés. L'EFSA devra donner accès à ces études, ce qui permettra la reproduction des résultats, l’examen par des pairs et leur publication, toutes choses qui n'étaient jusqu'ici pas possibles pour les études protégées par le secret commercial de Monsanto ou de Cheminova alors qu'elles fondent l'évaluation sur le glyphosate de l'EFSA. Et toutes les institutions de l'Union européenne devront se conformer à ce jugement à l'avenir. En bref, cet arrêt constitue une inversion de la tendance générale à faire primer les intérêts commerciaux et financiers sur le droit à l’information, l’évaluation strictement scientifique et l’intérêt général. Une vraie victoire pour les citoyens, l'environnement et la science.