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La Cour des Comptes européenne : « Les Verts savent compter ». (Elle l’a presque dit...)

30/01/2019
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C’était la priorité des priorités du mandat de Jean-Claude Juncker à la tête de la Commission de la dernière chance : relancer les investissements en Europe en créant un fonds européen qui devait mobiliser 315 milliards d’euros.
Contrairement à la plupart des promesses, celle-ci a bien vu le jour. Le « Fonds européen sur les investissements stratégiques » (EFSI dans le jargon européen) naquit en juin 2015. Rarement une proposition de la Commission fut-elle transformée aussi rapidement en loi européenne. Trois ans plus tard, la Commission se lançait des fleurs : selon elle, en mobilisant 335 milliards d'euros d'investissements supplémentaires dans toute l'UE depuis juillet 2015, le plan Juncker aurait eu « une incidence indéniable sur l'économie de l'UE » et aurait « révolutionné les modalités de financement de l'innovation en Europe ». Un petit miracle, rien que ça...

Dès le départ, les Verts étaient sceptiques, non pas sur la nécessité de mettre en place les conditions et outils pour doper les investissements (nous avions nous-mêmes déposé en novembre 2014 un plan alternatif de 750 milliards d’euros ciblés sur la transition écologique et sociale et budgétairement neutre pour les États membres), mais sur la conception d’EFSI. Nous redoutions un possible effet d’aubaine (les projets financés par le Fonds l’auraient de toute manière été via d’autres sources de financement ; autrement dit, pas d’effet réel significatif sur l’économie réelle) et que les projets soutenus n’aggravent finalement notre empreinte écologique. Nous et critiquions également le fait que l’EFSI ne vise pas en priorité les pays les plus durement touchés par la crise, où les besoins sont les plus criants.

Cette semaine, la Cour des Comptes européennes a confirmé nos critiques et se montre sévère. Selon elle, le montant des investissements mobilisés pourrait être surévalué. Les auditeurs ont également constaté que le soutien de l'EFSI s'était parfois simplement substitué à d'autres financements de l'UE et de la Banque européenne d'investissement (BEI). Une partie des fonds est allée à des projets qui auraient pu faire appel à d'autres sources de financement, publiques ou privées, mais à des conditions différentes. Par ailleurs, la plupart des investissements ont été concentrés dans quelques-uns des plus grands États membres de l'EU-15, qui disposent pourtant de banques nationales de développement bien établies.

Les Verts avaient donc vu juste dès le départ alors qu'à peu près tout le monde saluait cette innovation du Président de la Commission. Malgré l'armada d’experts pour concevoir des instruments irréprochables et efficaces, ces derniers semblent s’être trompés de grilles d’analyse ! De quoi répondre à Marie-Christine Marghem (l’ex-collègue de Jacqueline Galant) qui s’inquiétait du fait que chez Ecolo, « on ne sait pas compter »...

Marketing politique oblige, le Fonds Juncker sera rebaptisé à partir de 2020 « InvestEU », terme sous lequel on retrouvera en réalité 14 instruments financiers européens dont la Commission espère qu’ils permettront de lever 650 milliards d’euros d’ici 2027 (année marquant la fin de la programmation budgétaire pluriannuelle de l’UE). Compte tenu du fait que la Belgique représente un peu plus de 3 % du PIB européen (après le Brexit), cela représenterait un surcroît d’investissements de 22 milliards d’euros d’investissements privés et publics... à condition bien sûr que InvestEU soit mieux calibré que son prédécesseur et que les gouvernements belges saisissent l’opportunité en faisant remonter les projets éligibles. De quoi répondre à Siegfried Bracke (NVA) qui se demandait hier « comment on va financer la transition écologique qui coûtera des milliards et des milliards d’euros »...

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