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Des votes sociaux importants et encourageants

21/11/2018
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Les eurodéputés de la commission Emploi ont tranché hier un dossier kafkaïen. Il concerne un règlement sur la coordination des systèmes de sécurité sociale qui doit être révisé. Pas moins de 685 amendements étaient débattus. Ce dossier faisait écho à un vieux débat belge survenu au moment de la régionalisation des allocations familiales : est-ce qu’un enfant est égal à un enfant (sous-entendu, quelle que soit la région où lui et ses parents résident) ? Ici, la question était de savoir si les allocations familiales perçues par les travailleurs actifs dans un autre Etat membre où le coût de la vie est moins élevé doivent être indexées (lisez : réduites) alors que leurs enfants sont restés au pays.

Heureusement, c’est la position que les Verts (entre autres) défendaient qui l’a emporté : on ne doit pas discriminer les enfants. Ceux-ci ne doivent pas être les dommages collatéraux de la libre circulation des travailleurs qui est par ailleurs encouragée par les institutions européennes. Ces discussions avaient des relents de nationalisme, de « eux contre nous » dans le sens où les migrants étaient par certains eurodéputés conservateurs et libéraux (essentiellement, allemands, autrichiens, danois et... belges) fustigés et qu’ils voyaient en ce dossier une occasion de les fragiliser un peu plus qu’ils ne le sont déjà.

Ce vote se déroulait dans le contexte particulier de la Journée internationale des Droits de l’Enfant. C’est donc dire à quel point il faisait l’objet d’une attention particulière. Il était d’ailleurs important de ne pas perdre cette bataille, ce qui aurait créé un précédent pour d’autres dossiers.
Dans la foulée une majorité progressiste d’eurodéputés a voté pour rendre la coordination des systèmes de sécurité sociale plus efficace et moins bureaucratique pour les personnes qui changent de pays d’emploi au sein de l’UE (parce qu’ils sont travailleurs transfrontaliers ou qu’ils quittent leur pays d’origine) et pour ces travailleurs lorsqu’ils perdent leur emploi (possibilité de choisir le système de chômage de leur pays d’origine ou du pays où ils avaient l’habitude d’exercer leur profession).

Aussi, ils ont voté en faveur de la création d’une Autorité européenne du Travail. Si celle-ci n’est pas l’Europol social que nous imaginions il y a quelques années (dépourvue de pouvoirs exécutifs, elle ne peut que solliciter la Commission pour que celle-ci intervienne), elle s’en rapproche assez bien. Son objectif est d’assurer une meilleure mise en oeuvre de la législation européenne dans le domaine social et donc de renforcer les droits des travailleurs. Elle pourra mener des enquêtes, éventuellement à la demande des interlocuteurs sociaux, sur des sociétés suspectées de n’être que des boîtes aux lettres fondées pour contourner des législations. Elle s’intéressera également à la lutte contre les faux travailleurs indépendants et aidera les autorités nationales à régler des cas de conflits transfrontaliers. Les eurodéputés ont bien amélioré la proposition de la Commission, y compris en faisant en sorte que les syndicats et organisations patronales siègent dans le conseil d’administration.

Si on est encore loin du compte, il faut reconnaître que la journée de mardi a apporté une pierre, une grosse pierre, à la construction de l’Europe sociale (et à la défaite de l’agenda populiste) et je m’en réjouis. Les bonnes nouvelles sont suffisamment rares pour être soulignées. J'y vois un encouragement que rien n’est perdu. Au contraire ! Il appartient maintenant au Parlement européen de ne pas céder sur ces acquis lorsque les négociations avec le Conseil débuteront. La mobilisation doit désormais être menée au niveau national auprès des Ministres de l’Emploi et des Affaires sociales.
Crédit photo : Joshua Clay sur Unsplash

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