Scroll Down

Directive sur le droit d’auteur dans le marché numérique

12/09/2018
Partager

Le texte discuté aujourd'hui et pour la deuxième fois au Parlement européen était crucial pour régler la question des droits d'auteur, en particulier pour les organes de presse traditionnels dont la source de revenu s'est tarie en raison du déclin des ventes de leurs titres papiers. Il s’agissait aussi de les mettre en capacité de bénéficier des recettes publicitaires qui sont à l’heure actuelle accaparées par les agrégateurs de contenu que sont les grandes plateformes d'internet.

Faire évoluer le droit d'auteur dans ce nouveau monde numérique et en particulier éviter que les Google, Amazon, Facebook, Apple (désignés par l’acronyme « GAFA ») et, dans une autre mesure, certains internautes ne s'approprient le contenu produit par des auteurs et journalistes sans valoriser le travail de ceux-ci et à leur seul profit est une priorité pour les Verts.

Tout aussi important est, ce faisant, de protéger autant que possible la liberté de circulation d'information que le Web a consacrée, où chacun peut créer et partager de l'info de la manière dont il le souhaite. Empêcher cette liberté serait faire le jeu des plus puissants aux dépens des acteurs indépendants et plus fragiles et au-delà, aux dépens de la vitalité de nos démocraties.

Respecter ces deux contraintes n'est pas simple et on a vu combien ce texte, ou plus exactement deux articles de cette directive qui en comprend 24, clivait au sein d'une même enceinte parlementaire, au sein d'un même parti ou même parmi les créateurs eux-mêmes.

Le groupe des Verts/ALE au Parlement européen estimait que la deuxième version du texte retravaillée par le conservateur allemand, Alexander Voss, après le rejet de juillet ne permettait pas d’atteindre le difficile équilibre entre juste rémunération des créateurs et liberté de circulation des informations.

Du côté de la protection des créateurs, auteurs et journalistes

Comme les services juridiques du PE le relevaient déjà dans une étude de septembre 2017,  le dispositif de droits voisins créé par l'article 11 du texte ne garantit pas une juste rémunération pour les auteurs. Ce dispositif se fonde sur l’application de tels droits en Espagne ou en Allemagne. Cependant, les bénéficiaires visés sont plus que dubitatifs ; cela n’a pas permis de les financer durablement et ils estiment que des mesures plus proportionnées auraient été plus efficaces.

C’est ce que nous avons cherché à mettre en place en créant une « présomption de titularité pour les éditeurs » comme l’avaient déjà proposée un précédent rapporteur ainsi que l’Estonie lorsqu’elle présidait l’UE. En d’autres termes, il s’agit de reconnaître les droits aux éditeurs de négocier avec les plateformes et le cas échéant d’ester en justice, au nom de tous les auteurs des articles qu’ils publient. De la sorte, nous créons un rapport de force nécessaire en matière de propriété intellectuelle. Dans cette perspective, nous permettons aussi aux petits éditeurs de faire entendre leurs voix alors qu’ils risqueraient de se voir éclipsés par les plateformes qui, afin de limiter les coûts liés à l’application des droits voisins, risqueraient de les ignorer.

Du côté de la protection de la circulation de l'info sur le web

L’article 13 prévoit la responsabilité juridique des plateformes en cas de non-respect des droits d'auteur. Afin de se protéger, il est vraisemblable qu’elles mettent en place des filtres même si un amendement voté précise qu'il convient d'éviter le "blocage automatique de contenu" (mais comment le vérifier ?). Ceux-ci agiront de manière à interdire la mise en ligne d’un contenu protégé par un utilisateur qui n’en détient pas les droits. Si ce pré-screening par des algorithmes pose question sur le plan des principes, il s’agit d’une fausse solution car les technologies de filtrage ne permettent pas de distinguer les œuvres selon qu’elles sont ou non protégées, que des parodies qui bénéficient d’une exception seraient désormais interdites de même que les œuvres tombées dans le domaine public.

Ayant également en mémoire les mises en garde de près de 160 universitaires de 42 centres de recherche européens, l'amendement proposé par les Verts renversait la logique en partant du créateur : dès lors que celui-ci entend faire valoir ses droits, il communique les données pertinentes qui permettra ensuite aux plateformes de prendre les mesures nécessaires et proportionnées pour que leurs droits soient dûment respectés.

Outre ces deux articles cristallisant les tensions, les Verts souhaitaient qu’il apparaisse explicitement dans la directive que les hyperliens n’étaient pas couverts par le droit voisin dès lors qu’ils permettent uniquement de renvoyer vers un article original. Une telle mention figurait dans les considérants; afin de lever toute ambiguïté, nous voulions que cela apparaisse dans les articles mêmes de la directive. Les eurodéputés ne l’ont pas autorisé, ce qui laisse planer le doute quant à leurs réelles intentions.

Après avoir ouvert une porte à la discussion, le rapporteur conservateur s’est immédiatement rétracté. Comme les 250 autres amendements de tous les groupes confondus, nos propositions ont été soumises au vote ce mercredi et n’ont pas recueilli une majorité de voix. Cela explique le vote négatif du groupe des Verts sur le rapport dans son ensemble. Malgré cela, la directive fut largement adoptée par 438 voix pour, 226 contre et 39 abstentions.

Les Verts redoutent que, à moyen terme, les espoirs des auteurs d’obtenir une meilleure répartition des gains soient douchés et que, globalement, la directive renforce les GAFA.

Le soutien à ce texte ne doit néanmoins pas faire oublier que des mesures additionnelles doivent être prises en soutien des créateurs et de la presse en particulier, laquelle est fragilisée non seulement par les grands conglomérats économiques mais aussi par certaines réglementations (comme celles sur le secret des affaires) ou certains gouvernements de pays membres de l’UE.

TAGS