Cette semaine à Strasbourg et à l'initiative de ma collègue Michèle Rivasi, j'ai eu l'honneur d'accueillir au Parlement Européen Naoto Kan, ex-premier ministre japonais, en poste lors de la catastrophe de Fukushima. J'ai été touché par le récit qu'il nous a fait de sa conversion personnelle : convaincu de la robustesse et de la fiabilité de la technologie nucléaire japonaise avant le tsunami, il a pris la mesure de ses vulnérabilités et des risques démesurés qu'elle faisait prendre à toute la société. On a beau lire des articles sur les conséquences humaines, naturelles et économiques de la catastrophe, le récit personnel qu'en fait Naoto Kan, sept ans après le désastre, prend littéralement aux tripes : à ses yeux, une catastrophe nucléaire est aussi grave qu'une guerre.
Je demeure abasourdi par le fait qu'en France, au Royaume Uni, en Chine, en Inde et ailleurs, des dirigeants politiques continuent de faire le pari insensé de l'énergie nucléaire, prévoyant même d'installer des réacteurs en zone sismique. Le fait qu'aucun projet ne puisse voir le jour sans subsides publics massifs devrait pourtant faire réfléchir ceux qui croient à la rationalité des acteurs économiques et des marchés; si le directeur financier d'EDF, Thomas Piquemal, a claqué la porte car mis en minorité sur le projet de Hinkley Point (GB), ce n'est quand même pas par obsession idéologique. Et que dire du fardeau démesuré des déchets, dont le retraitement et le stockage s'avèrent des entreprises littéralement surhumaines. Qu'on y pense : les plus anciens édifices majeurs construits par l'humanité remontent tout au plus à 7.000 ans et le stockage des déchets les plus actifs exige un bunker qui tienne... 100.000 ans, soit dix fois la durée de l'histoire humaine jusqu'ici! Il est bon de rêver grand, mais ici on touche à l'aveuglement. Il est plus que temps de mettre un terme à la folie; il sera déjà assez difficile à cette génération et aux futures de gérer un héritage toxique de près de 500 réacteurs et des centaines de milliers de tonnes de déchets.
Faire preuve d'esprit d'entreprise aujourd'hui, ce n'est pas s'arc-bouter sur un rêve technologique mortifère (et à la rente qui s'y attache) mais bien faire le pari de la transition énergétique.