Ce 12 décembre, la Commission européenne devrait annoncer officiellement sa décision de renouveler pour 5 ans l'autorisation de mise sur le marché européen du glyphosate, après le feu vert donné par les représentants des États-Membres le 27 novembre dernier.
En amont de cette décision, j'ai invité ce matin le professeur Olivier De Schutter, ancien rapporteur spécial de l'ONU pour le droit à l'alimentation, à présenter à la presse l'étude juridique qu'il a réalisée sur les possibilités de recours contre la décision de la Commission.
Selon le professeur De Schutter, un recours en annulation devant la CJUE par le Parlement européen et/ou un ou plusieurs États-Membres se justifie pour au moins 6 raisons. Je vous réfère à son étude (téléchargeable en fin d'article) pour les découvrir dans leur ensemble, mais j'en détaille ici une que je trouve particulièrement choquante d'un point de vue démocratique.
L'initiative citoyenne européenne #StopGlyphosate, enregistrée officiellement par la Commission européenne, a réuni plus de 1,3 millions de signatures en un temps record. La Commission européenne avait jusqu'au 8 janvier 2018 pour y apporter une réponse, mais a décidé d'aller de l'avant pour renouveler l'autorisation du glyphosate sans même prendre la peine de répondre adéquatement à cette ICE, ce qui revient implicitement à la balayer d'un revers de la main. Selon l'étude, ceci viole les principe de démocratie et de bonne administration ainsi même que l'article 11 du Traité sur l'Union européenne qui instaure le mécanisme d'ICE. Le Tribunal de l'Union européenne a d'ailleurs jugé dans une décision du 10 mai 2017 que "l’objectif spécifiquement poursuivi par le mécanisme de l’ICE, consistant à améliorer le fonctionnement démocratique de l’Union en conférant à tout citoyen un droit général de participer à la vie démocratique" met en œuvre "le principe de démocratie qui (...) figure parmi les valeurs fondamentales sur lesquelles l’Union repose".
J'ai profité de cette conférence de presse pour partager deux informations supplémentaires concernant le glyphosate. Premièrement, les Verts/ALE, associés aux groupes S&D et GUE, ont préparé un mandat pour une Commission spéciale chargée de se pencher sur le processus d'autorisation des pesticides en Europe ; dans le cas du glyphosate, le fonctionnement et le rôle des agences européennes (l'EFSA et l'ECHA) devront entre autres être examinés. Le Parlement se positionnera sur cette proposition en janvier.
Deuxièmement, je vous avais déjà parlé de l'action devant la Cour de Justice menée par 4 de mes collègues eurodéputés verts contre l'EFSA justement, pour avoir refusé de donner un accès suffisant aux études sur lesquelles l'agence s'est basée pour évaluer que le glyphosate n'était pas cancérigène – ces études, privées, appartiennent à l'industrie du glyphosate... Hier, l'EFSA a été officiellement rejointe dans cette action en justice, face à nos eurodéputés, par 3 compères de choix : l'Allemagne, Cheminova et... Monsanto ! Le côté obscur de la Force s'étoffe... À travers cette action, nous demandons à la Cour de décider où la frontière doit être placée entre l'intérêt général et les intérêts commerciaux, en matière d'information (environnementale).
Vous voyez donc que la messe n'est pas dite ; comptez sur nous pour maintenir la pression sur la Commission et sur les États-Membres, et pour peser de tout notre poids dans les négociations parlementaires.
Télécharger le rapport d'Olivier De Schutter (en anglais) : Glyphosate renewal-annulment7.12.2017
Télécharger le mandat de la commission spéciale (en anglais) : Special Committee on the EU authorisation process of pesticides