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Respect de la vie privée et protection des données : deux projets de société s'affrontent

27/10/2017
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Strasbourg, le 27 octobre 2017

Qui n'a jamais été la cible de publicités en ligne étrangement en concordance avec une activité récente sur internet - preuve que nos activités sont suivies à la trace qu'on le souhaite ou non ? C'est ce genre de pratique qu'entend réguler le rapport dit "e-privacy" portant sur le respect de la vie privée et la protection des données à caractère personnel dans les communications électroniques. Le texte en question, que les Verts soutiennent, définit les droits des internautes et leur donne le contrôle sur les cookies de traçage installés sur leurs appareils par les sites qu’ils visitent et qui pistent ensuite leurs activités en ligne. Il apparaît que souvent, l’acceptation des cookies est un prérequis pour accéder au site consulté ou pour installer une application. L'internaute doit ainsi "volontairement" livrer ses données personnelles pour avoir accès à un service recherché. Le règlement interdit désormais cette pratique; en d'autres mots, le respect de la vie privée des consommateurs doit être le réglage par défaut. Le texte limite sérieusement la possibilité pour l’industrie de tracer le comportement en ligne et collecter les données s’y rapportant de manière à les revendre ensuite à des agences qui vous présenteront des publicités citées. Il en ira enfin de même pour le « tracking offline » (technique permettant de suivre un appareil dans un centre commercial par exemple).

Il va sans dire que l’industrie est farouchement opposée à ce règlement. Le PPE, l’ECR et l’ENF qui sont au Parlement européen les défenseurs de la surveillance généralisée ont voté contre le rapport lorsqu’il est passé en commission des libertés civiles, justice et affaires intérieures (LIBE) la semaine passée. Les chrétiens-démocrates du PPE, minorisés lors de ce vote mais voulant soutenir les grand groupes américains qui contrôlent le marché des publicités ciblées et des cookies de traçage, ont exigé un vote supplémentaire pour rejeter le mandat de négociations issu du rapport. Ils ont heureusement échoué à saboter le rapport à la grande satisfaction des Verts et d'organisations de la société civile comme les associations de consommateurs, telles BEUC ou Test-Achats.

Un autre vote important ayant trait à la protection des données personnelles s'est tenu ce midi. Les eurodéputés ont à nouveau cédé à la tentation sécuritaire en votant la création d' « un système d'entrée/sortie » (EES) pour enregistrer les données relatives aux entrées et aux sorties des ressortissants de pays tiers qui franchissent les frontières extérieures de l'Union européenne ». Les Verts s’y sont bien entendu opposés parce que ce dispositif contribue un peu plus à l’Europe forteresse et à la suspicion a priori envers les non-Européens. Notre vote est aussi motivé par notre scepticisme à l’égard d’une telle mesure dans le sens où les attentats commis sur le sol européen ont surtout mis en exergue un défaut de communication entre les agences et autorités compétentes, plutôt qu’un manque de données à exploiter. C’est donc à une amélioration de Schengen qu’il aurait fallu travailler plutôt qu’à la mise au point d’un système au coût démesuré : il est évalué à pas moins d’un milliard d’euros. Enfin, nous nous référons à une étude réalisée à notre demande par l’Université de Luxembourg https://www.janalbrecht.eu/…/MDC_Opinion_Impact_CJEU_Opinio… qui révèle que la proposition législative ne respecte pas les droits fondamentaux de l’UE. En effet, un arrêt de la Cour européenne de Justice rendu cette année sur un dossier similaire (conservation et exploitation des données des dossiers des passagers aériens entre l’UE et le Canada), indiquait que les données ne pouvaient être conservées que pour la durée du trajet - et non pour 4 ans comme le prévoit le règlement voté aujourd’hui -, sauf pour les personnes faisant l’objet d’une attention particulière en raison de leur dangerosité potentielle pour la sécurité nationale. L’EES est une violation à l’arrêt de la Cour et des droits fondamentaux. A l’heure où l’on parle de relancer l’Europe, est-ce bien la direction que nous voulons lui voir prendre ? Ce n’est en tout cas pas le projet des Verts.

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