Bruxelles, le 19 septembre 2017
Quand il s'agit de Monsanto, on pense avoir déjà tout vu en matière de mépris, de cynisme et de manipulation. Et pourtant, la multinationale a réussi à nous surprendre par deux fois ces derniers jours en atteignant de nouveaux sommets – ou plutôt, de nouvelles profondeurs.
Bref rappel de la situation : Monsanto est actuellement en campagne pour obtenir la prolongation en Europe de l'autorisation du glyphosate, l'herbicide utilisé dans le RoundUp. Dans ce cadre, le géant de l'agro-business ne recule devant rien pour discréditer le CIRC, l'agence de l'Organisation mondiale de la Santé spécialisée sur le cancer : c'est en effet celui-ci qui avait classé le glyphosate comme "probablement cancérogène pour l'homme" en mars 2015. Plus de détails par ici.
La commission Agriculture du Parlement européen a invité Monsanto à venir débattre avec les eurodéputés à Bruxelles. On s'attendait bien sûr à une réponse négative, d'autant que Monsanto est en plein procès outre-Atlantique. Mais le ton de la lettre annonçant le refus vaut son pesant d'arrogance. Selon le vice-Président, Philipp W. Miller, "il n'appartient pas au Parlement européen de remettre en question la crédibilité des résultats scientifiques des agences européennes ou d'autres pays". Il s'alarme également de la "politisation de la procédure sur le renouvellement du glyphosate – une procédure qui devrait être strictement scientifique mais a été, à de nombreux égards, détournée par le populisme". Plus loin, Monsanto continue de calomnier l'Organisation mondiale de la santé en accusant les scientifiques du CIRC d'avoir volontairement ignoré certaines études publiées dans des revues scientifiques. M. Miller va jusqu'à affirmer que ce débat au Parlement européen risque de mettre en danger l'intégrité et l'indépendance des procédures scientifiques européennes. Pour Monsanto, définitivement et depuis de nombreuses années, la meilleure défense, c'est l'attaque.
Et en parlant d'intégrité et d'indépendance des procédures scientifiques, l'ONG Global 2000 a révélé ce vendredi que des passages décisifs du rapport de ré-évaluation de l'EFSA (l'Autorité européenne de sécurité des aliments) sur le glyphosate sont en réalité du texte copié-collé. Le Monde a révélé que le texte original provenait d'un état de la littérature datant de 2013 et rédigé par deux experts, Kier et Kirkland, ayant des liens très étroits avec les industriels du glyphosate. Dans cet article, des dizaines d'études indépendantes sur le glyphosate sont évaluées quant à leur qualité et déclarées fiables ou non fiables. Et comme par hasard, presque toutes les études montrant des effets négatifs du glyphosate sont jugées de faible qualité et donc non fiables... Le BfR (Bundesinstitut für Risikobewertung), l'agence allemande à qui l'EFSA a délégué la rédaction du rapport d'expertise préliminaire, a donc repris telles quelles des dizaines de pages, et repris à son compte de nombreux commentaires des industriels.
Intention ou négligence ? Quoi qu'il en soit, ces graves révélations minent encore davantage la confiance des consommateurs européens dans les procédures d'évaluation. La Commission européenne a proposé le renouvellement pour 10 ans de l'autorisation du glyphosate en UE. Le vote doit intervenir d'ici le 31 décembre 2017. Les États-Membres doivent protéger leurs citoyens et bannir enfin cette substance nocive du territoire européen.