Montant des retraites en Europe : les femmes toujours très défavorisées
Strasbourg, le 15 juin 2017
40%
Pourquoi épingler aujourd’hui ce pourcentage ? S'agit-il des 40% de militants socialistes en burnout ce mois-ci, de l'augmentation du prénom Emmanuel dans les maternités ou du taux de personnes dans le gouvernement Trump qui ne croient pas à la théorie de l'évolution? Eh non, il n'est pas question de tout cela.
40%, c'est l'écart entre les montants de retraites des hommes et des femmes dans l'Union Européenne, qui faisait hier midi l’objet d’un vote en séance plénière. Mettons tout de suite fin au suspense, ce sont les femmes qui en moyenne touchent 40% de moins que les hommes. Et cet écart va en augmentant dans la moitié des États-Membres. Plus grave encore, on estime que 11 à 36% de femmes ne reçoivent pas de retraite du tout.
Plusieurs facteurs d'explication : tout d'abord, les écarts de salaire toujours persistants entre hommes et femmes, estimés aujourd'hui à 16,5% dans l'Union Européenne. À cela s'ajoutent les nombreuses réformes adoptées depuis la crise économique qui ont ciblé en priorité les secteurs publics et sociaux (éducation, santé etc.), secteurs qui embauchent près de 70% de femmes. De nombreux systèmes de retraite dans l'UE permettent uniquement aux femmes de recevoir une pension dérivée de celle de leur mari. Pensez notamment aux épouses de militaires qui suivent leur mari au long de leur carrière ou des femmes qui aident leurs maris dans la tenue de l’affaire familiale par exemple. Conséquence directe, la majorité des personnes âgées vivant en situation de pauvreté aujourd'hui sont des femmes. Une femme sur trois travaille à mi-temps notamment pour s'occuper d'un enfant ou parent, mais aussi du fait de la multiplication des temps partiels dans les emplois existants.
Nous souhaitons que la Commission et les États membres se saisissent de ce problème en agissant sur les différentes causes de cet écart: différence de salaires, inégalité du taux d'emploi entre hommes et femmes, stéréotypes et discriminations, meilleur équilibre vie de famille/travail tant pour les femmes que pour les hommes. Le système de droits dérivés existant dans différents États doit être réformé.
C'est à l'Union Européenne d'agir en ce sens. Nous souhaiterions voir la question des écarts de retraite apparaître dans les recommandations spécifiques publiées chaque année. Nous voulons une véritable mise en œuvre de la stratégie pour l'égalité entre genres 2016-2019. Ou bien encore que les écarts de salaire soient sanctionnés au même titre qu'un déficit excessif, comme cela devrait d'ailleurs être le cas si les législations européennes anti-discriminations étaient mieux mises en œuvre.
Un système fiscal plus juste, transférant la charge de l'impôt du travail vers le capital et le patrimoine, permettrait une meilleure égalité. Les femmes tirent en grande majorité leurs revenus du travail. Lors d'une conférence au Parlement, j'entendais récemment une universitaire suédoise déclarer "seuls 16% de la Suède sont possédés par des femmes". Les mesures austéritaires ont un impact plus grand sur les femmes, car elles ont justement tendance à augmenter l'impôt sur le travail et baisser ceux du patrimoine ou du capital.
Le Parlement votait hier à ce sujet un rapport en plénière. Alors que la gauche radicale, les socialistes et le groupe des Verts proposaient des dispositions visant une approche plus globale et ambitieuse sur ces questions, cherchant à mettre en œuvre des outils à notre disposition, les conservateurs et libéraux se sont une nouvelle fois distingués par leur vision traditionnaliste de la société et des inégalités de genre. On peut même constater les libéraux se sont opposés aux dispositions sur l’égalité salariale et la transparence des salaires...
Les dimensions anti-discriminations et anti-austéritaires, ainsi que l'importance des droits sociaux faisant défaut dans le rapport amendé, le groupe des Verts a préféré s'abstenir.
Nous espérons très prochainement arriver à l'adoption de dispositions plus favorables pour l'égalité réelle lors du travail sur un rapport concernant la fiscalité et les inégalités de genre.
Image à la Une: © Philippe Geluck Le Chat