Brevetage des semences: l'Office européen des Brevets ouvre de nouvelles voies de privatisation du vivant
Mauvaise nouvelle pour les biens communs: aujourd'hui, l'Office européen des Brevets (OEB) a adopté de nouvelles règles internes qui, tout en affectant d'interdire cette pratique scandaleuse, ouvrent en réalité de nouvelles possibilités de brevetage pour des plantes "naturelles", c'est-à-dire non génétiquement modifiées. Cette décision que les Verts dénoncent ouvre grand la porte à la privatisation de la nature et de notre alimentation. Il est inacceptable que des entreprises privées puissent revendiquer des droits sur des plantes prélevées dans la nature ou dans les champs. La source de notre alimentation ne peut tomber dans les mains d'entreprises dont l'objectif est la maximisation des profits !
Il s'agit en réalité d'un détournement de la réglementation européenne, qui prévoit clairement (Directive 98/44) que seuls les plantes génétiquement modifiées peuvent faire l'objet d'un brevet; les plantes obtenues par croisement classique ou simplement présentes dans la nature ne sont pas brevetables. Or, l'OEB a décidé de soutenir l'interprétation fantaisiste de la directive faite par certaines entreprises semencières : celles-ci ont déposé et obtenu des brevets non pas sur une plante qu'elles auraient modifiée, mais sur une caractéristique précise d'une plante, ce qui leur donne alors des droits sur toutes les plantes présentant le même trait. Une façon aisée pour les multinationales (et notamment le secteur agro-chimique qui détient déjà entre 60 et 90% du marché des semences) de s'arroger des droits sur des plantes créées via des processus naturels ou sélectionnées par des agriculteurs depuis des siècles. En 2014, l'OEB a ainsi délivré des brevets sur une tomate "ridée" et sur un brocoli, tous deux non génétiquement modifiés.
Les institutions européennes sont pourtant très claires sur le sujet: le Parlement européen a publié deux résolutions appelant à l'arrêt de tout brevet sur les processus naturels, et la Commission a publié en novembre 2016 une interprétation légale de la directive 98/44 qui allait dans le même sens. Mais l'OEB n'est pas une agence européenne et n'est donc pas lié par ces avis; il préfère exploiter une lacune de la directive et s'éloigner de l'esprit, pourtant très clair, qui motivait les législateurs. Pourquoi ? La réponse est évidente: le budget de l'OEB provient en grande partie de l'octroi de brevets: plus il en accorde, plus ses revenus sont importants. Ce qui est moins clair, c'est la raison pour laquelle les États-Membres, qui siègent tous au conseil d'administration de l'OEB, ont validé une décision qui va à l'encontre de la directive 98/44 qu'ils ont approuvée. Ils doivent revenir sur cette décision !