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Turquie ou comment une démocratie chancelante sombre dans l'autoritarisme️

18/04/2017
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Il est à des années lumière, le Recep Tayyip Erdogan fraîchement élu qui renvoyait l'armée turque dans ses casernes, qui lançait un processus de paix avec les séparatistes kurdes armés du PKK, et qui semblait vouloir arrimer la Turquie à l'Europe. De la répression des manifestants de la place Taksim à l'embastillage systématique de toute presse d'opposition, puis de l'opposition politique elle-même, de la complaisance avec les affairistes de tout poil à celle avec Daech, le maître d'Ankara en son mégalomaniaque Palais Blanc est enfin arrivé à ses fins : l'installation d'un régime autocratique en Turquie. Et pour que le message soit bien compris, il annonce ses premières décisions : prolongation de l'état d'urgence et convocation de deux nouveaux référendums sur le processus d'adhésion à l'UE et, beaucoup plus grave, sur le rétablissement de la peine de mort. Rarement la parole de Lord Acton, selon laquelle "le pouvoir tend à corrompre, le pouvoir absolu corrompt absolument" n'a paru aussi appropriée.

Face à cela, que peut faire l'Union Européenne? On pourrait se dire que la situation économique de la Turquie, en délicatesse avec la quasi-totalité de ses voisins, donne à l'UE un levier de pression sur Ankara. Mais voilà, il y a un peu plus d'un an, l'Union Européenne a choisi de se mettre elle-même en situation de dépendance totale à l'égard d'Erdogan, en concluant un "accord" faisant de lui le gardien des frontières de l'Europe , plus précisément, en attendant de lui qu'il empêche tout réfugié de mettre un orteil sur le sol de l'UE. Par ailleurs, quand on observe certaines dérives anti-démocratiques au sein même de l'UE (Hongrie, Pologne mais pensez aussi à certaines lois liberticides adoptées dans la foulée des attentats terroristes en Belgique ou en France), on voit que l'Union a aussi du pain sur la planche si elle veut défendre la démocratie à l'intérieur de ses frontières.

En tout cas, la gesticulation enclenchée, cette fois par le CD&V sur la question de la double nationalité, face à la communauté d'origine turque en Belgique, est plus que déplacée. Tout d'abord, nous avons tous des identités multiples et demander à qui que ce soit de renoncer à une partie de son identité est irresponsable. Je souligne aussi qu'une abolition de la double nationalité serait du ressort de la punition collective. Rappelons qu'une très vaste majorité des citoyen-ne-s belgo-turc-que-s ont choisi de ne pas aller voter pour un référendum concernant un pays où ils ne vivent pas, et que 25% de celles et ceux qui ont été voter, ont voté pour le non. Ensuite, politiquement, c'est faire le jeu d'Erdogan, qui pourra ajouter un argument à sa litanie de victimisations que subiraient son pays et ses citoyens. Ainsi donc, les citoyens belgo-turcs seraient considérés comme des citoyens à part par notre pays. Les moyens des européens face à la dérive dictatoriale d'Erdogan sont limités. Mais si nous voulons faire entendre une autre voix à la Turquie des campagnes, qui a soutenu le "oui", le seul relais dont nous disposons sont précisément les communautés de la diaspora turque en Europe. L'attitude que nous adopterons vis-à-vis d'elles conditionnera l'image de l'Europe qu'elles donneront au pays : sera-t-elle celle d'une Europe pluraliste et démocratique ou celle d'une Europe frileuse et excluante?

Au delà de cela, on peut se réjouir du fait que l'AKP d'Erdogan et les deux autres partis qui soutenaient le "oui" aient réunis moins de voix qu'aux élections législatives. Surtout, les grandes villes, y compris Istanbul, le fief électoral d'Erdogan, ont voté contre la réforme constitutionnelle. S'il est clair qu'Erdogan entraîne la Turquie sur un chemin que tout oppose aux valeurs démocratiques, qui doivent rester le socle des valeurs de l'UE, ne passons pas la Turquie par profit et pertes: restons aux côtés des démocrates de Turquie!

Image à la une: pixabay.com

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