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Décision de la Cour de Justice de l'Union européenne: CETA toi de jouer, Charles !

16/05/2017
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Après la bonne nouvelle de la semaine passée concernant l'Initiative citoyenne européenne "StopTTIP", une autre nouvelle encourageante est tombée aujourd'hui: la Cour européenne de Justice a décidé que "l'accord de libre-échange avec Singapour ne peut pas, dans sa forme actuelle, être conclu par l'UE seule". Pourquoi cet arrêt est-il si important ? Tout simplement parce que ce traité avec Singapour est un accord de même nature que le CETA et le TTIP; ce sont des accords dits "de nouvelle génération" car ils ne se limitent plus à faciliter le commerce, ils abordent des questions bien plus larges comme la promotion et la protection des investissements, l’ouverture des marchés publics ou encore le développement durable et les droits de propriété intellectuelle. Selon la Commission européenne, la signature de l'UE suffisait pour l'entrée en vigueur de l'accord avec Singapour, les parlements nationaux et régionaux n'avaient pas leur mot à dire. Le Conseil et un certain nombre d’États membres contestaient cette vision et y voyaient un traité "mixte", défendant l’idée que certaines dispositions du traité touchaient à leurs compétences, ce qui requérait de faire passer le projet de Traité devant leurs parlements. L'arrêt de la Cour, lourd de conséquences pour les autres traités de même nature, était dès lors attendu avec impatience pour trancher la question. Que retenir de cet arrêt ?
  • La Cour a donné raison aux États membres dans le sens où elle a confirmé que ceux-ci jouissent d’une compétence exclusive pour un certain type d’investissements (ceux qui ne visent pas à influer sur la gestion et le contrôle d’une entreprise) et pour le régime de règlement des différends entre investisseurs et États (le fameux mécanisme "ISDS").
  • Cependant, à partir du moment où la Cour d’Investissement Multilatérale qui est dans les cartons de la Commission et d’autres partenaires commerciaux verrait le jour (ce qui prendra encore du temps, sachant que ce projet pourrait aussi capoter à un moment donné), les États membres n’auront plus voix au chapitre du régime de règlement des différends.
  • De plus, la Cour n’a pas suivi les conclusions de l’avocat général qui considérait que le développement durable, certains services de transport et une partie des droits de propriété intellectuelle relevaient également des compétences partagées entre l’UE et les États membres.
  • Notons au passage que la Cour précise que « l’accord envisagé vise à subordonner la libéralisation des échanges commerciaux entre l’Union et Singapour à la condition que les parties respectent leurs obligations internationales en matière de protection sociale des travailleurs et de protection de l’environnement ». Cette petite phrase n’est pas anodine car elle établit une hiérarchie des normes en vertu de laquelle des mesures de protection des travailleurs et de l’environnement sont prioritaires sur le commerce. Dès lors, tout acte contraire pourra être contesté devant la Cour.
Si la Cour avait suivi la Commission, le CETA aurait pu entrer en vigueur sans attendre les ratifications nationales et régionales... toute la saga wallonne aurait alors été vaine. Heureusement, maintenant qu'elle sait qu'elle ne pourra pas se passer de l'avis des États membres, la Commission devra davantage tenir compte des préoccupations des populations car au final, ce seront leurs représentants nationaux qui auront le dernier mot. On peut dès lors espérer que ce sera le début d’un processus de transparence et de démocratisation accrues de la politique commerciale de l’UE, où  les intérêts privés des multinationales devront céder le pas aux préoccupations citoyennes. La Cour rappelle bien que son avis ne porte pas sur la compatibilité du traité avec le droit européen. Or, c’est justement sur ce point que la Belgique s’est engagée à demander dans le cadre de l’accord intrabelge sur le CETA son avis à la Cour. Le gouvernement fédéral traînait jusqu’ici des pieds prétextant qu’il fallait d’abord que la Cour rende son verdict dans le cas UE-Singapour avant de passer à l’action. C’est aujourd’hui chose faite. Toutes les conditions sont donc réunies pour que la Belgique saisisse la Cour sans délai!

 

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