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Présidentielle française: En Marche... oui mais vers où ?

08/05/2017
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Emmanuel Macron est devenu hier soir le plus jeune président de la 5ème République française. Je me réjouis que sa rivale Marine Le Pen ait été sèchement battue dans un rapport de 2 à 1. Son obsession de la "préférence nationale", symbole d'un repli national-populiste, est aux antipodes de l'affirmation de l'égale dignité de tous les êtres humains. Mais je ne partage pas la satisfaction parfois exubérante que j'observe dans les cercles européens. Avec une abstention de plus d'un quart de l'électorat et les votes blancs et nuls, ce sont 37% des électrices et électeurs qui ont refusé leur confiance aux deux candidats restés en lice. Par ailleurs, selon Ipsos, 41% des électeurs d'Emmanuel Macron ont basé leur choix sur le rejet de Marine Le Pen, un autre tiers pour le renouveau politique qu'il représente (et donc par rejet des partis traditionnels) et 8% pour sa personnalité. Ne restent donc que 16% de ses propres électeurs qui l'ont choisi pour son programme. Et c'est bien là que se situe le risque : si Emmanuel Macron devait mettre en oeuvre son programme de réformes socio-économiques d'inspiration néo-libérale, qui plus est de manière expéditive (par ordonnances), il renforcerait plus encore le camp de Marine Le Pen! Je pense en particulier à la flexibilisation du marché du travail, sur le modèle des réformes appliquées en Allemagne et nombre d'autre pays européens, qui se sont soldées certes par un recul du chômage, mais également par la hausse concomitante de la précarité et de la pauvreté (y compris chez les travailleurs). Je pense aussi à la réforme de l'assurance-chômage. Certes, il veut en étendre le bénéfice aux indépendants et aux démissionnaires, mais simultanément réduire de 10 milliards en cinq ans les dépenses en ce domaine. Cela entraîne nécessairement la réduction des prestations, voire l'exclusion de nombreux bénéficiaires. A l'entendre, si les chômeurs ne trouvent pas d'emploi, ce serait d'abord parce qu'ils ne seraient pas adéquatement formés ou qu'ils ne chercheraient pas assez assidûment. En clair : on va vous former et vous "activer" et si vous refusez deux offres acceptables (qui définit cela) vous perdez vos droits. Tout cela n'a rien de neuf et on connaît les effets de ce type de politique. On commence à comprendre pourquoi, toujours selon Ipsos, 61% des répondants ne souhaitent pas que Macron obtienne une majorité à l'Assemblée Nationale en juin. On verra aussi si le président Macron, peu sensible à la contrainte écologique, fait ou non évacuer de force la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, s'il détourne la France de l'agro-business ou l'engage dans une transition énergétique audacieuse. Enfin, sur la question de l'avenir de la zone Euro, on peut espérer qu'Emmanuel Macron soit capable de rappeler l'Allemagne d'Angela Merkel et Wolfgang Schaüble à la réalité : il n'y a pas d'union monétaire sans union budgétaire (fiscale) et/ou sociale, et donc sans union politique. Budget de la zone euro, réassurance chômage, mutualisation partielle de la dette publique, tout cela sous contrôle démocratique accru : voilà autant de propositions indispensables si l'on veut assurer tout simplement la viabilité de l'Euro. Avec François Hollande, on allait voir ce que l'on allait voir et... on a vu ce que l'on a vu. Macron n'aura pas de difficulté à faire mieux que son prédécesseur; mais pour faire ce qui est nécessaire, il devra assumer la nécessité de créer un rapport de forces qui permette le rééquilibrage de l'Euro et de l'Europe. On me rétorquera que pour obtenir quelque chose de l'Allemagne, Macron devra justement montrer sa capacité à imposer des réformes "allemandes" à la France. Ma conviction est que si des réformes sont nécessaires en France, la priorité devrait sans doute être de rationaliser l'appareil d'État en tirant les conséquences d'une vraie décentralisation et d'arrêter de faire en sorte que l'administration centrale surveille – voire doublonne - en permanence tout ce que font les administrations régionales, voire locales. L'intelligence collective des Français n'existe pas seulement à Paris mais aussi dans ses régions et ses territoires.

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