Socio-éco
04/06/2024
Taxation des entreprises: le Benelux devrait rejoindre l'initiative franco-allemande
Le Soir - Mercredi 21 septembre 2011. Alors que la zone euro s’enfonce dangereusement dans la récession, les gouvernements européens se montrent inflexibles en maintenant le cap sur l’austérité.
Lors du sommet franco-allemand qui s’est tenu le 16 août dernier à Paris, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ne se sont pas écartés de cette ligne politique en proposant d’inscrire dans les Constitutions des Etats membres une règle d’or sur l’équilibre budgétaire. En outre, ils ont rejeté deux mesures absolument essentielles qui permettraient d’éviter que la panique ne gagne à nouveau les marchés financiers, à savoir l’émission d’Euro-obligations ainsi que l’augmentation des capacités de prêts du Fonds européen de stabilité financière (FESF). Néanmoins, une décision positive a été prise : parallèlement à leur appel en faveur d’une taxe sur les transactions financières (TTF) ; Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ont en effet plaidé pour l’instauration d’un impôt commun sur les sociétés, tant concernant l’assiette de taxation que le taux appliqué pour les entreprises allemandes et françaises.
Nous plaidons dès lors pour l’adhésion des pays du Benelux à cette initiative qui marque un point de rupture par rapport à la rhétorique actuelle, exclusivement centrée sur la réduction des dépenses publiques.
La mise en œuvre d’une telle proposition constituerait une avancée majeure vers l’harmonisation de l’impôt sur les sociétés au sein de l’UE. Compte tenu de son extrême fragmentation, la législation fiscale en Europe encourage en effet les Etats membres à se lancer dans une concurrence fiscale effrénée pour attirer les entreprises étrangères. Le taux de l’impôt sur les sociétés est ainsi passé de 35 % en 1995 à 23,2 en 2010. Résultat : les pays européens non seulement se privent de bases taxables, mais aussi adoptent une structure de fiscalité injuste et inefficace.
Ainsi, alors qu’il faudrait engager des politiques publiques pour créer des emplois, les Etats européens taxent le travail de façon plus lourde que le capital. En outre, face à une crise qui met la pression sur leurs finances publiques, les Etats membres se privent de revenus nécessaires, non seulement, pour combler leurs déficits budgétaires, mais également, pour investir dans la production de biens publics (infrastructures de transport de qualité, niveau élevé d’éducation générale, etc.), qui constituent des facteurs clés pour la relance économique.
Si la concurrence fiscale crée d’énormes coûts en termes de bien-être pour les citoyens européens, elle permet en revanche aux entreprises transnationales de générer des profits massifs. En exploitant les spécificités des différents régimes fiscaux nationaux, ces dernières parviennent en effet à déplacer le capital, les profits et les pertes entre leurs différentes filiales en Europe pour atteindre un taux effectif proche de zéro. Une telle stratégie d’optimisation fiscale ne constitue pas seulement un véritable vol pour les finances publiques des Etats, mais nuit également considérablement aux petites et moyennes entreprises (PME), qui souffrent directement du manque d’harmonisation de l’impôt sur les sociétés.
La seule manière d’enrayer ce dumping fiscal scandaleux est d’introduire une assiette fiscale commune consolidée obligatoire, d’abord au sein d’un groupe de pays, et le plus rapidement possible dans toute l’UE. En outre, un taux harmonisé tel que suggéré par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy, ou au moins un taux commun minimum de 25 %, assurerait un niveau suffisant de solidarité entre le secteur privé et les citoyens européens.
Une action commune de la part des Etats membres est néanmoins nécessaire dans d’autres domaines de la politique fiscale. Le système de fraude à la TVA de type « carrousel » engendre en effet plus de 100 milliards d’euros de pertes de revenus par an pour les Etats membres de l’UE. En outre, les dispositions actuelles en matière de taxes sur l’énergie ne prennent toujours pas en compte les dommages causés à l’environnement et au climat. Enfin, les personnes à très hauts revenus continuent à échapper facilement à l’impôt en raison de l’absence d’automaticité en matière d’échange d’informations fiscales.
Nous appelons dès lors nos pays respectifs à rejoindre l’Allemagne et la France dans leurs efforts d’harmonisation fiscale. Un impôt commun sur les sociétés Benelux-France-Allemagne constituerait en effet un grand pas vers une politique fiscale commune européenne, essentielle pour affronter les défis économiques, sociaux et environnementaux du XXIe siècle.
Bas Eickhout, Philippe Lamberts, Bart Staes et Claude Turmes Eurodéputés verts de Belgique, des Pays-Bas et du Luxembourg (Benelux).
Bureau De Philippe Lamberts
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