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Traité sur le commerce des services / TISA: Premier aperçu des lignes rouges du Parlement européen

19/01/2016
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Les eurodéputés de la commission "commerce international" du Parlement ont adopté hier la première résolution sur le TISA. TISA est l'acronyme de Trade in Services Agreement qui désigne un autre traité commercial négocié en parallèle du Traité transatlantique (TTIP). Mais, le TISA est plus opaque et plus vaste encore dans sa couverture géographique : outre l'Europe et les Etats-Unis. 21 pays (du Pakistan à la Norvège en passant par Israël, le Chili et le Japon) représentant tous ensemble 70 % du commerce mondial des services se trouvent à la table de négociation. L'objectif est d'ouvrir plus largement à la concurrence le secteur des services, qu'ils soient énergétiques, de transport, financiers, électroniques, etc. Le TISA touche aussi au droit du travail puisque le détachement des travailleurs, question particulièrement épineuse, même lorsqu'elle est abordée au sein de l'UE où existe déjà un socle de normes sociales, fait partie des points débattus.

L'adoption hier de la résolution est un événement politiquement important car elle donne une idée des lignes rouges posées par les eurodéputés. A ce stade, il ne s'agit donc pas de voter pour ou contre le TISA, cette étape n'intervenant qu'en cas d'accord sur un texte définitif entre les pays concernés.

Les Verts ont voté en faveur de la résolution dans la mesure où les lignes rouges reprennent beaucoup d'amendements déposés par Ska Keller, notre porte-parole. En vidant le TISA de son contenu toxique, ils le rendent inacceptable pour beaucoup de partenaires. Mieux, les amendements ont été conçus de manière à renforcer dans le sens de l'intérêt général les normes de l'Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS) en vigueur depuis 20 ans. Par conséquent, nous nous réjouissons donc de cette résolution qui implique pour la Commission de revoir l'offre d'ouverture - excessive - des marchés qu'elle avait déjà adressée aux autres pays.

Comme dans les autres dossiers internationaux, les Verts accordent la priorité à des solutions multilatérales. C'est pourquoi nous nous réjouissons que la résolution clarifie le fait que les négociations commerciales doivent se dérouler au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) plutôt que passer par des accords similaires au TISA qui, au contraire, risquent de démanteler les règles communes, en particulier celles qui protègent les services publics. A cet égard, l'amendement qui exclut les services publics et celui qui reconnaît un rôle de premier plan aux pouvoirs publics (locaux) ont été adoptés. Les pays couverts par le TISA devront pouvoir déroger à leurs engagements si ceux-ci allaient à l'encontre de la poursuite de leurs objectifs climatiques (cf. notamment la mise en oeuvre du tout récent accord climatique de Paris).

Notre amendement spécifiant que les pays moins développés qui souhaitent adhérer à ce Traité devraient bénéficier de certaines souplesses pour éviter d'être écrasés par une plus grande ouverture au commerce international a été retenu.

En matière de protection des données et de la vie privée, les réglementations européennes prévaudront sur toute autre règle internationale afin de garantir au mieux le respect de ce droit fondamental.

Le TISA ne pourra pas être utilisé comme cheval de Troie pour aller à l'encontre de la re-régulation des services financiers car cela risquerait de mettre en péril la stabilité mondiale comme la crise des subprime l'a bien montré.

Bien que la résolution contienne un effet "cliquet", nous avons pu limiter son effet en prévoyant une exemption pour les secteurs sensibles comme les services publics et culturels et les marchés publics, les services financiers et de transport et le détachement international des travailleurs.

Nous veillerons avec Ska Keller et les eurodéputés verts à ce que la plénière du Parlement valide ces orientations et que le texte final (si les négociations aboutissent) soit évalué par le Parlement européen à l'aune de ces critères agréés par les principaux groupes politiques sur lesquels nous ne pouvons transiger.

 Philippe Lamberts, député européen

Benoît Hellings, député fédéral

Hélène Ryckmans, députée wallonne

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