Paradis fiscaux: les Etats vont ils enfin prendre leurs responsabilités?
Pour la première de fois de mon mandat parlementaire, j'ai été désigné rapporteur d'un texte législatif, dont l'objet est d'encourager l'investissement en capital-risque dans l'Union européenne. Le capital-risque est un des leviers qui permet de soutenir la création d'entreprises innovantes qui n'ont pas accès au financement bancaire, en raison précisément des risques liés à leur nouveauté[1]. Le point central de cette législation est de créer un "passeport" européen qui serait octroyé aux fonds de capital-risque afin de leur permettre de lever des fonds dans toute l'Union européenne.
Voilà un dossier qui aurait du être facile! Qui s'opposerait en effet à la promotion d'investissements dans des entreprises innovantes? Jusqu'il y a peu, tout semblait d'ailleurs se dérouler sans accrocs. Le 28 juin dernier, au terme de négociations entre le Parlement Européen et le Conseil (alors représenté par la Présidence danoise), un accord avait en effet été conclu. Ce dernier incluait une disposition introduite par les Verts européens et soutenue par une vaste majorité du Parlement interdisant aux fonds de capital-risque établis dans un paradis fiscal de bénéficier du passeport européen créé par la nouvelle législation. Le texte proposait également une définition du terme 'paradis fiscal' nettement plus ambitieuse que celle établie par l'OCDE et qui s'est imposée jusqu'à présent comme la référence incontournable[2].
Un coup de théâtre s'est néanmoins produit suite à la conclusion des négociations le 30 juin dernier: l'accord annoncé avec fierté par la première ministre danoise a été dénoncé deux semaines plus tard par un groupe d'Etats membres, emmené par les Pays-Bas.
Ce blocage provoqué par ces derniers est doublement inacceptable:
Sur la manière, il revient tout d'abord à renier un accord conclu préalablement. Cela révèle dans le chef du Conseil, non seulement, un manque total de respect à l'égard du Parlement, mais également une absence de professionnalisme dans la conduite des négociations. Sur le fond, ce blocage illustre également la duplicité de certains gouvernements de l'Union qui, malgré de grandes déclarations sur la nécessité de combattre (que dis-je, d'éradiquer!) les paradis fiscaux, sapent systématiquement toute initiative législative qui aurait une chance de contribuer à cet objectif. En effet, vu les critères retenus (notamment l'existence d'un niveau de taxation nul ou négligeable), certains Etats-membres ont bien réalisé que cette définition, applicable ici à des Etats tiers, pourraient les qualifier eux-mêmes de paradis fiscaux. Et comme le débat récent sur l'immigration d'un certain B. Arnault le montre, chaque Etat membre abrite dans sa législation des dispositifs qui s'apparentent précisément à des pratiques propres aux paradis fiscaux. Bref, nous voici aujourd'hui face à une situation de blocage. Par souci de cohérence et de correction dans cette affaire, le Parlement a voté ce jeudi 13 septembre le texte tel qu'agréé au terme des négociations de juin dernier. Nous attendons du Conseil qu'il en fasse de même.
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[1] Plus précisément, il s'agit ici de créer un régime dérogatoire à la directive européenne sur les fonds d'investissement alternatifs (AIFMD), prévoyant des condition plus souples pour l'octroi d'un passeport européen - accordant la possibilité de lever des capitaux partout dans l'Union - aux fonds de capital-risque.
[2] La définition promue par l'OCDE est tellement laxiste qu'à l'heure actuelle plus aucune juridiction ne se retrouve sur la liste noire des paradis fiscaux!
Retrouvez également ici le communiqué de presse publié à cette occasion
Retrouvez mes deux passages en séance plénière de Strasbourg, le mercredi 12.09.2012.
La traduction en anglais de cet article, publié sur Public Servce EuropeDeadlock over EU venture capital report 'unacceptable' by Philippe Lamberts 17 September 2012
The EU Council has brought negotiations with the European Parliament over new provisions to encourage investments in innovative business to a standstill
For the first time in this political term, I have been appointed rapporteur of a legislative text, the venture capital report, which aims to encourage investments in venture capital funds across the European Union. Venture capital funds can be seen as a springboard for new and innovative companies that do not have access to banking loans, precisely because of the 'risks' associated with their innovative character. The core objective of this legislation is to create an EU passport for all venture capital funds, which would help them raise funds across Europe.
As one can imagine, this was supposed to be an easy and smooth dossier. Who would oppose new provisions to boost investments in innovative business? Until recently, smoothness was indeed the word that best described the negotiations and process around this file. On June 28 the European Parliament even managed to strike a deal with the Council, under the Danish presidency. This deal included a provision, introduced by the Greens and endorsed by a large majority of the parliament, to exclude from the EU passport venture capital funds either domicile in tax havens, or that invest in companies domiciled in tax havens. The text also proposed a definition of tax havens far more ambitious than the Organisation for Economic Cooperation and Development's, which is currently accepted as the norm in this field.
On June 30, at the end of the negotiations, something unexpected happened. The council, after having proudly announced the deal under the Danish presidency, broke the agreement under the leadership of the Netherlands and a group of member states. This, unsurprisingly, has brought the entire procedure to a stand still.
This deadlock is unacceptable for two main reasons. Firstly, questioning an already sealed deal not only shows a complete lack of respect of the council vis-à-vis the Parliament, but also demonstrates how unprofessional the council has been in leading these negotiations. Secondly and more fundamentally, this also illustrates the cupidity of some EU governments who, despite their talk on tax havens and the need to eradicate them, undermine any legislative attempt that has a chance to contribute towards this objective. Some member states have clearly sensed that the proposed tax haven definition, could apply to their own country. It is no secret that most member states hide, somewhere in their legislation, some practices which can potentially create a 'tax haven'.
The process is at a stand still. On September 13, and for the purposes of coherence, the parliament adopted the text as agreed last June. We expect the council to take responsibility for its actions and do the same.
Philippe Lamberts is a Belgian MEP in the Greens/European Free Alliance group. He is also co-president of the European Green Party
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