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Sommet européen: les (tout) petits pas plutôt qu'un saut ambitieux

27/07/2012
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28-29 juin 2012. Réunis hier et aujourd'hui, les chefs d'Etat et de gouvernement européens ont une fois encore choisi de repousser à plus tard le choix de faire faire à l'Union Européenne le saut fédéral dont dépend son avenir. Les mesures annoncées à l'issue du double sommet (UE et Euro-zone) sont pour la plupart marquées par un souci désespéré : gagner du temps.

On peut d'emblée s'étonner de l'absence totale de référence à la Grèce et ce malgré les élections récentes et alors même que la mise en oeuvre du second plan d'aide, décidé le 1er mars dernier, n'a pas pu empêcher la dérive de l'économie et des comptes publics grecs. Ce qui apparaissait comme plus qu'une gageure en mars se révèle aujourd'hui impossible : le mémorandum ne pourra tout simplement pas être exécuté en l'état. Il doit donc être revu, à tout le moins dans ses délais et probablement dans son contenu. Le silence du Conseil à ce sujet est inquiétant, à la fois pour les citoyens grecs et pour les créanciers du pays.

C'est sur la question de la contagion à l'Espagne et à l'Italie que les décisions les plus marquantes ont été prises. En effet, le fonds européen de secours (FESF puis MES) pourra désormais recapitaliser directement des banques d'un Etat sans passer par ce dernier, ce qui lui évitera d'alourdir au passage sa dette publique. Par ailleurs, le même fonds pourra se porter acquéreur de titres de dette publique sur le marché secondaire, de manière à réduire les tensions (spreads) auxquelles sont exposés certains Etats-membres. On doit se réjouir de l'adoption de ces mesures urgentes et nécessaires; toutefois, comment ne pas s'inquiéter de la capacité réelle du FESF/MES de s'acquitter de ses nouvelles missions en l'absence d'une augmentation de ses moyens ou, mieux, de l'octroi d'une licence bancaire qui lui donnerait accès aux facilités de liquidité de la Banque Centrale Européenne. Faute de cela, les moyens du FESF/MES ne lui permettront au mieux que de gagner quelques mois de répit.

Autre élément neuf, l'idée d'une supervision européenne des banques de la zone Euro. A ce sujet, le Conseil apparaît schizophrénique. En effet, lors de la mise en place en 2011 du dispositif européen de supervision financière, il a résisté bec et ongles à l'idée même d'une telle supervision directe, privilégiant les pouvoirs des superviseurs nationaux, acceptant du bout des lèvres que le niveau européen puisse, dans un cadre très strict, arbitrer les différends entre ces derniers. Aujourd'hui encore, dans le cadre des négociations sur la régulation des banques, il refuse encore et toujours de conférer ce pouvoir général d'arbitrage (!) à l'Agence Bancaire Européenne (ABE). Et voilà qu'au plus haut niveau, on envisage de confier à la Banque Centrale Européenne (BCE) rien moins qu'un rôle de gendarme souverain des banques de la zone Euro. Ce revirement, a priori bienvenu, n'est pas sans poser de nombreuses questions : cela fait-il sens et est-il praticable de séparer la supervision bancaire entre les banques de la zone euro et les autres? Ne donne-t-on pas à la BCE un surcroît de pouvoirs alors qu'elle s'octroie déjà aujourd'hui un rôle prépondérant dans la conduite de la politique économique en Europe, sans être soumise à aucun contrôle politique? Enfin, la voie choisie - inter-gouvernementale - semble bien être à nouveau une manière d'affaiblir l'Europe communautaire (fédérale).

Le "pacte de croissance" adopté apparaît quant à lui une énième répétition de mesures maintes fois annoncées, le seul élément neuf étant une modeste - mais bienvenue - recapitalisation de la Banque Européenne d'investissement (BEI)[1][1]. Rien n'est dit sur la destination de ces moyens, dont seule une partie sont vraiment nouveaux. Si on peut se réjouir de voir la Commission et le Conseil se transformer en champions du recyclage (des propositions), on aimerait les voir focaliser leurs efforts sur faire de l'Europe une championne du monde de l'efficacité énergétique et en ressources, par exemple. 

L'Europe ne pourra pas éternellement remettre à plus tard le choix existentiel auquel elle est confrontée. Aucun Etat-membre ne pourra assurer durablement sa prospérité au milieu d'une Europe qui s'enfonce plus profondément dans une crise économique, sociale et environnementale. Le choix d'une intégration, osons le mot, fédérale apparaît dès lors comme indispensable pour que les Européens se redonnent les moyens collectifs de répondre à ce triple défi. Si le sommet évoque un embryon d'union bancaire, on est encore loin d'une véritable union budgétaire, fiscale, sociale et donc, politique et démocratique. Tel est le choix que les Européens et leurs dirigeants doivent faire; chaque jour qui passe le rend plus difficile et alourdit le coût financier et humain de la crise que les chefs d'Etat et de gouvernement semblent subir plutôt que gérer.

 [1] Il se dit déjà que certains Etats-Membres insisteraient pour que les investissements permis par cette recapitalisation se fassent dans les Etats au pro-rata de leur contribution. Outre que cela s'avère quasi impossible à gérer, cela constitue la négation d'une logique de différenciation dont bénéficieraient les Etats-Membres en grandes difficultés.

Une semaine plus tard, je commentais ce sommet sur Radio France International (RFI):

Carrefour de l'europe: 2012 08 07 RFI carrefour_de_l_europe_1_ 

 
Et mes commentaires sur la nécessité d'aller vers une intégration renforcée, sur EuroparlTV (qui date du 11 juin 2012 et qui est toujours d'actualité!)

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