Electoralement choyés, multipliant les participations dans les gouvernements régionaux, les Grünen ont le vent en poupe en Allemagne, et tant pis si le parti des Pirates leur taille des croupières. Cerise sur le gâteau : selon les analystes, le « plus grand des petits partis »pourrait revenir au pouvoir à Berlin sans être nécessairement à la remorque des sociaux-démocrates (SPD).
Autant dire que la chancelière Angela Merkel a été attentive à la manière dont leur leader, Cem Özdemir, a accueilli jeudi son plaidoyer pour une Europe davantage unie sur le plan politique. : « C’est une bonne chose, a-t-il commenté après avoir écouté la chef de file des chrétiens-démocrates (CDU). Nous avons obligatoirement besoin d’une union politique maintenant, et pas dans un jour lointain ».
Une pointe de sarcasme, un regard accrocheur mais des mots qui tranchent : tel est Cem Özdemir (46 ans), très tôt médiatisé en raison de ses origines turques et présenté parfois comme le « Obama allemand ». Nous l’avons croisé à Bruxelles où il est venu évoquer avec ses homologues belges la situation sociopolitique européenne.
« Pour nous la consolidation budgétaire est très importante », reconnaît Cem Özdemir quand on lui demande ce qu’il pense de la politique d’austérité défendue par Angela Merkel. « Mais nous devons aussi faire des investissements durables sur deux domaines d’avenir : la recherche et l’environnement. L’écologie n’est jamais aussi pertinente qu’en période de crise : 260 milliards d’euros ont été dépensés en 2010 rien que pour les importations de pétrole en Europe. Le développement de nouvelles énergies favorisera le réinvestissement de cet argent dans notre économie ».
A rebrousse-poil de la chancelière et de l’opinion publique allemandes, les Grünen voient dans les eurobonds un moyen de résoudre la crise. « Mais, prévient à nouveau Cem Özdemir, « si les Verts sont des Européens convaincus, ce sont aussi des Allemands. Aucun parti allemand ne sera donc favorable à une communautarisation des dettes s’il n’y a pas davantage d’union politique européenne ». Il détaille : « Nous avons donc besoin d’une union politique et fiscale. Les Français veulent une union fiscale. Nous nous voulons une union politique. L’une sans l’autre ne conduirait à rien ». A François Hollande de rétablir « la stabilité et la confiance », après le traumatisme créé en 2005 Allemagne par le non français à la Constitution européenne.
Des conditions nécessaires, mais pas suffisantes. Pour Cem Özdemir, l’Allemagne n’a pas la panacée en matière économique : « L’Espagne applique les recettes allemandes. Or la crise et le chômage s’y accélèrent dramatiquement. Cela tient au fait que l’Espagne a un problème de refinancement alors qu’en Allemagne, les institutions sont prêtes à renoncer aux intérêts. Cela veut dire que si l’on s’en tient à la consolidation budgétaire sans aborder la question des taux d’intérêts, on ne s’en sortira pas ». Il ajoute : « quels que soient les eurobonds, quel que soit le pays qui les acceptera, il devra aussi accepter que Bruxelles ait son mot à dire ».
On évoque alors la réputation d’égoïsme d’une Allemagne accusée de « faire la loi à Bruxelles ». Özdemir conçoit l’amertume des Grecs face à des Allemands « convaincus d’avoir fait des efforts pendant que les autres faisaient la fête ». Mais il assure que l’Allemagne d’Angela Merkel – « une femme politique non une femme d’Etat » – continuera à jouer le jeu collectif européen.
Les Verts pourraient-ils s’associer demain aux chrétiens-démocrates ? « Quand on regarde les enjeux de 2013, année d’élections législatives, on voit que le SPD est plus proche de nous. Nous serons donc responsables et cohérents », répond Cem Özdemir. « Mais je ne sais pas ce qui se passera en 2017 », une difficile législature plus loin.