Scroll Down

Taxation des (sur)profits : l’amorce d’un virage historique

14/09/2022
Partager

Un nouveau tabou a été brisé ce matin : la Commission européenne a proposé de taxer les surprofits des entreprises du secteur du pétrole, du gaz, du charbon et du raffinage, qui ont largement profité de la flambée des prix de l’énergie ces deux dernières années.

Si cette mesure devait être adoptée dans la foulée par le Conseil, elle serait historique à plus d’un titre. Tout d’abord, ce serait la première fois qu’une taxe sur les bénéfices excessifs est appliquée au niveau européen. Ce serait aussi la première fois qu’une mesure de taxation est votée à la majorité qualifiée par les gouvernements des États membres. Afin d’éviter la règle de l’unanimité qui s’applique normalement aux matières fiscales, la Commission a en effet décidé d’innover juridiquement, en fondant sa proposition sur une autre base légale. En d’autres mots, cette fois-ci, la Hongrie ou la Pologne ne pourront pas faire usage de leur véto pour bloquer une avancée qui semble aujourd’hui inéluctable.

La proposition de la Commission comporte néanmoins une faiblesse de taille : la taxe s’appliquerait aux filiales européennes des sociétés pétrolières, gazières et charbonnières. Or, de nombreuses données indiquent qu’une part non négligeable des (sur)profits des grandes entreprises énergétiques est en réalité enregistrée dans des entités localisées en dehors de l’UE, souvent à des fins d’optimisation fiscale. Par exemple, une analyse rapide des données comptables pays-par-pays des géants pétroliers Shell et Eni révèle que la plupart de leurs bénéfices en Europe sont enregistrés... en Suisse (dans le cas d'Eni également en Irlande). Afin d’éviter cet écueil, la Commission aurait donc dû proposer calculer les bénéfices excédentaires sur la base des bénéfices globaux consolidés de chaque groupe pétrolier.

En dépit de cette importante faiblesse, la proposition adoptée par l’exécutif européen est une excellente nouvelle. Il faut désormais espérer qu’elle soit améliorée et soutenue par une majorité qualifiée de gouvernements au sein du Conseil.

TAGS