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Après BlackRock, les ‘Big Four’ : les liaisons dangereuses de la Commission

31/03/2021
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Entre 2016 et 2019, la Commission a déboursé près d’un demi-milliard d’euros en contrats avec les ‘Big Four’, ces 4 géants de la consultance que sont PwC, KPMG, Deloitte et Ernst & Young, pour l'élaboration de recommandations dans le cadre de son programme de réformes. Entre conflits d'intérêts et renoncement du politique, la Commission se défausse ainsi massivement de sa mission d'élaboration des politiques publiques sur le secteur privé. Une relation toxique pour l’intérêt général révélée par le média européen Euractiv [1], qui n’est pas sans rappeler la romance avec BlackRock [2], à laquelle nous comptons bien mettre fin.

La valse néolibérale

PwC, KPMG, Deloitte et Ernst & Young ont en effet bénéficié ces dernières années d’un nombre croissant de contrats dans le cadre du « Programme d’appui à la réforme structurelle » destiné à aider les États membres à élaborer et mettre en œuvre des réformes dans de nombreux domaines de la politique publique, de la justice aux soins de santé, en passant par le marché du travail et la protection sociale. Lorsqu’on connaît le credo néolibéral de ces boîtes, il y a déjà de quoi s’inquiéter du seul flirt idéologique. 

Mais nous sommes en pleine lune de miel: alors qu’en 2017, seuls 2% des fonds consacré au Programme de réforme sont allés à des sociétés privées, en 2019 c’est pas moins d’un tiers du montant total qui est parti vers les 4 « usual suspects » pour leurs conseils avisés. Et ce pour quelque 91 réformes en un an. La passion a ensuite continué de croître en 2020 et la flamme pourrait bien grandir encore avec l’arrivée de l’« Instrument d’appui technique », digne successeur du Programme.

Sleeping with the devil

De plus, les services offerts vont au-delà de simples études comparatives et autres rapports préliminaires aux réformes. Les ‘Big Four’ ont en effet à plusieurs reprises participé directement à la mise en œuvre des réformes. Ainsi EY a notamment participé à la restructuration du secteur hospitalier estonien, du Trésor français et du marché du travail italien. 

Mais la Commission semble vivre un amour aveugle, flirtant même avec le syndrome de Stockholm. Sinon, comment expliquer que ces sociétés obtiennent des contrats de conseils pour des domaines de politiques publiques dans lesquels elles ont des clients ? PwC a par exemple participé à une réforme du système national de contrôle fiscal belge, alors que cette entreprise et les 3 autres ‘grands’ ont été impliqués dans l’élaboration de pratiques aidant plus de 340 multinationales à contourner la législation fiscale, comme l’a révélé le scandale Luxleaks.

Mettre fin à la relation toxique

Suite à ces révélations, j’ai pris l’initiative d’envoyer une lettre, cosignée par 72 autres eurodéputé.e.s issus de 5 groupes politiques, à la Présidente de la Commission von der Leyen et au Vice-Président Dombrovskis pour dénoncer les conflits d’intérêts. Nous exigeons aussi des explications sur la part croissante de contrats alloués à des cabinets de conseils privés plutôt qu’à une expertise interne ou issue d’organisations internationales, du monde académique ou d’ONG, et demandons à la Commission d'investir ses fonds dans l'expertise interne en priorité. Enfin, nous réitérons notre demande d’une réforme profonde des règles d’attribution des marchés publics pour prévenir tout risque de conflit d’intérêt, comme déjà recommandé par la Médiatrice européenne O’Reilly suite à notre plainte dans le cas du contrat passé entre la Commission et le mastodonte de la finance BlackRock.

Malgré l’affection que la Commission leur porte, les sociétés de conseils n’ont pas son meilleur intérêt à cœur. Et le nôtre non plus. La Commission doit enfin sortir du déni et mettre fin à cette relation toxique.

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Philippe

[1] https://www.euractiv.com/section/economy-jobs/news/exclusive-commissions-ballooning-bill-with-consultancy-firms-revealed/ 

[2] https://philippelamberts.eu/posts/883-blackrock-un-conflit-dinteret-flagrant

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