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Sommet européen : l'extrême-droite s'impose

29/06/2018
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Bruxelles, le 29 juin 2018

Difficile ce matin de trouver les mots justes, les mots assez forts pour dénoncer, tant les conclusions du sommet européen sont honteuses. Cette nuit, les dirigeants européens ont tout simplement enterré le droit d'asile en Europe. Il sera désormais quasiment impossible de déposer une demande d'asile sur le territoire européen. Loin de faire barrage à l'extrême-droite comme certains tentent encore de le prétendent, les chefs d'État et de gouvernements ont adopté son programme.

On atteint donc de nouvelles profondeurs dans l'indigne. Il y a un peu plus de deux ans, lors de ce funeste accord UE-Turquie, j'avais dénoncé la faillite morale de l'Union européenne. Les dirigeants ont décidé de s'y enfoncer toujours davantage, et sous des prétextes aussi hypocrites que fallacieux.

Ils prévoient donc de créer des "plateformes de débarquement régionaux" – nouvel euphémisme pour ne pas dire centre de rétention et donc prison – où seront enfermées toutes les personnes recueillies lors des opérations de sauvetage en mer. Ces personnes déracinées ne seront donc sauvées des eaux que pour être déchargées si possible hors du territoire européen, et se voir emprisonnées en vue d'être triées entre bons et mauvais migrants. De telles prisons sont envisagées tant à l'extérieur de l'UE (dans des pays tiers tels que la Tunisie ou l'Albanie, dont l'avis sur la question semble facultatif...) qu'à l'intérieur. De tels camps existent déjà, notamment à Lesbos, et les conditions y sont déplorables.

À supposer même que ce soit faisable, la légalité d'un tel projet est très douteuse au vu du principe de non-refoulement par exemple. Comment penser en outre que dans ces conditions, chacun pourra voir son cas instruit de façon juste et suffisante, être informé correctement, recevoir l'accompagnement nécessaire ? Et que dire de la collaboration renforcée avec les "gardes-côtes" libyens, ainsi dénommés comme s'il s'agissait des fonctionnaires respectables d'un État fonctionnel ? Ce sont des milices armées impitoyables dont l'UE s'assure les services.

Et qu'osent-ils dire, les chefs d'État et de gouvernement de l'Union qui a pour principes fondateurs "les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, de l'État de droit, ainsi que de respect des droits de l'homme" (article 2 du Traité sur l'Union européenne) ? Que ceci vise à "casser définitivement le business model des passeurs afin d'éviter des décès tragiques". On croit rêver ! Il suffit de s'intéresser un minimum au phénomène migratoire pour savoir que ceci est un mensonge éhonté. Hier encore, la Libre Belgique publiait une opinion de Jean-Pierre Buyle qui le rappelle très justement : "cette fermeture des frontières fait le lit des trafiquants, exactement comme la prohibition l’a fait aux États-Unis, entre 1919 et 1933. Et plus braver l’interdit s’avérera risqué, plus les passeurs s’enrichiront. [...]Selon le HCR, "l’industrie du trafic illicite des êtres humains est un marché dicté par la demande". Plus l’Europe refermera ses frontières, mieux les trafiquants se porteront."

C'est l'évidence même ! La seule façon de lutter efficacement contre les réseaux de passeurs est de les rendre inutiles en ouvrant des voies légales d'accès au territoire européen. Il est de plus en plus manifeste qu'en présentant comme problématique et dangereuse une immigration pourtant en nette baisse, les dirigeants européens cherchent à camoufler les conséquences dramatiques de leurs politiques néolibérales dans d'autres domaines, les inégalités grandissantes et les tensions sociales croissantes dans de nombreux États-Membres.

Plus que jamais, les écologistes continueront à défendre le droit de toute personne à la dignité, et à défendre face à la xénophobie un discours d'ouverture et d'humanité. Aux côtés des très nombreux citoyens qui déjà se lèvent pour dire "pas en mon nom", nous sommes fiers de porter ce message.

Image : Mitch Lensink sur Unsplash

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