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Taxation des multinationales: un verrou a sauté !

16/12/2022
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Après plus d’un an de négociation, un accord entre les 27 Etats membres de l’Union visant à instaurer un impôt minimum sur les sociétés au niveau européen a enfin été trouvé. C’est un pas important pour la justice fiscale, même si le chemin reste encore long.

Pour rappel, en octobre 2021, sous l’égide de l’OCDE, 138 pays avaient validé un accord historique mais imparfait [1], visant l’instauration d’un taux d’imposition minimum global de 15% sur les profits des entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse les 750 millions d’euros par an.

L’accord devait ensuite être rapidement traduit dans la législation européenne. Mais c’était sans compter sur les manœuvres et le chantage des gouvernements hongrois et polonais. Dans une course de relais indécente, les deux pays ont bloqué tour à tour l’avancée de ce dossier crucial. Cette semaine, sous la pression des autres Etats membres, ils ont fini par retirer leur véto.

Le deal obtenu doit donc maintenant être mis en œuvre avant la fin 2023 et devrait permettre de réduire les transferts de bénéfices visant à éluder l’impôt et d’assurer que les multinationales payent effectivement leur part, ou à tout le moins une part minimale. Car, s’il faut reconnaître les progrès indispensables que l’accord amène, il faut aussi rester lucide sur le fait qu’il comporte encore des lacunes, à commencer par un niveau de taux bien trop bas. Ce dernier est en effet aligné sur les juridictions européennes (Irlande et Malte notamment) dont les taux d’imposition des sociétés sont les plus faibles de l’Union européenne.

Par ailleurs, l’impôt minimum ne constitue en réalité que le côté pile de la pièce. Côté face, l’accord international obtenu à l’OCDE prévoit aussi une meilleure répartition des profits des sociétés entre les pays où se trouvent leur siège social et ceux où elles réalisent leurs bénéfices. C’est un enjeu crucial pour plus de justice entre pays du Nord et pays du Sud, mais également pour s’assurer que les géants du numérique soient eux aussi réellement mis à contribution. Sur ce volet-là, les discussions concernant les spécificités techniques de la mise en œuvre du « deal » sont encore en cours et la vigilance est de mise.

Aujourd’hui, il convient de saluer un pas qui va dans la bonne direction car il offre un levier indispensable dans la lutte contre les paradis fiscaux. Mais il faut aussi rappeler que le combat continue pour relever les ambitions de l’Union. Comptez sur moi pour vous tenir informé et défendre la voie la plus exigeante, pour plus de justice.

Philippe


[1] Pour en savoir plus, retrouvez ma carte blanche d’il y a un an, dans laquelle j’alertais déjà sur les failles, les risques et les opportunités de l’accord international : https://www.levif.be/international/taxation-des-multinationales-lautruche-et-le-taureau-carte-blanche/?fbclid=IwAR3X5eOkvd5uu4RnjQhZKXrVMaxduDjSaf1V0-p7mTNcS-PiL-u9sNkLMxQ

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